Je m'en vais a pour personnage principal Félix Ferrer, quinquagénaire parisien, tenant d'une galerie d'art dans le IXème arrondissement. Commençant avec le départ de celui-ci pour le Grand Nord, l’œuvre expose, de façon rétrospective, les raisons ayant conduit Ferrer à ce départ. Si l'expédition se donne pour but la recherche d’œuvres d'art boréal, il serait plus juste de parler d'alibi ici plutôt que de but : l'expédition est l'alibi permettant à Ferrer de satisfaire son goût pour les départs et, par cela, pour l'errance. Qu'il s'agisse de Ferrer ou de Baumgartner – personnage dont l'intrigue se développe en parallèle – les personnages évoluent dans un espace éminemment transitoire où les lieux ne sont que mouvement.
Ce rapport particulier avec l'espace marqué par un départ perpétuel – dont le titre est l'illustration parfaite – n'est pas sans conséquence dans le rapport qu'entretiennent les personnages avec le temps. Si l'espace est mouvant, le temps, ce « dimanche perpétuel », est marqué par l'ennui, par une perte de sens profonde où la projection dans le temps long semble impossible. Rien ne dure, tout n'est que mouvement : les séjours, les conquêtes, les acquis. Le temps est celui de l'instant, l'instant du départ, de la fuite. Il n'avance pas véritablement, au mieux, il piétine. En atteste une narration décousue, discontinue, qui s'interrompt et s'interroge. Le rythme est saccadé, accélère, puis ralentit.
La force de l'ouvrage réside dans sa capacité à décortiquer l'errance moderne sans jamais entrer dans un propos psychologisant. L'état d'âme des personnages est complètement délaissé au profit d'une descriptions des actes et des comportements. C'est ainsi, avec pudeur et détachement, que la narration présente la fuite de personnages hagards face au temps qui défile sous leur yeux, face au sens qui, comme eux, ne cesse de fuir.