Voulez-vous danser avec moi ?

"Je m'en vais, dit Ferrer, je te quitte. Je te laisse tout mais je pars". Ça ne commence pas très bien, me direz-vous. Mais, ne vous inquiétez pas, Echenoz ne fait pas dans le pathos. Exit la psychologie et les états d'âmes de ses protagonistes. Ferrer le galeriste, hommes à femmes - muettes, de préférence - pas si héroïque que ça, traverse les évènements. Il ne les subit pas, il ne les maîtrise pas non plus. Non, il les traverse, c'est tout. Une escapade dans le Grand Nord pour y récupérer "un trésor", à laquelle succèdera une intrigue policière. Enfin, "intrigue policière", il faut le dire vite. Si Echenoz emprunte au roman d'aventures et au genre policier, c'est pour mieux les détourner. Ces "récits dans le récit" ne sont là que pour rythmer le livre. Car il n'est question que de rythme et de mouvements, ici. Gauche, droite, gauche, droite, tout en tournant sur soi-même : le livre se termine, un an - moins deux jours - plus tard, à l'endroit exact où il a commencé. La boucle est bouclée.
Passez d'un genre à l'autre, ajoutez quelques digressions temporelles, une ellipse de-ci, de-là et quelques interventions saugrenues de l'auteur lui-même, dans un récit à la troisième personne (si, si, il se permet, le bougre, de m'interrompre dans ma lecture) et vous obtenez quoi ? Je ne sais pas pour vous, mais moi, la valse, ça me fait tourner la tête.
Mais, ne croyez pas qu'Echenoz se moque de son lecteur. Il ne s'agit pas pour lui de privilégier l'écriture au détriment de l'intrigue. Disons plutôt que l'intrigue et la construction "en mouvement" du livre, sont au service de l'écriture. Une écriture limpide, au détour de laquelle surgissent, parfois, des moments de poésie fulgurants (ben oui, rapport au rythme évoqué plus haut).
Sublime.