Le journal de Matthieu Galey m’a occupé pendant un peu plus d’une année. Livre d’un intérêt proportionnel à sa difficulté, il permet d’en apprendre tellement sur la vie littéraire française de la seconde moitié du 20ème siècle. Je l’ai reçu pour mon anniversaire (2019) et par conséquent, il me fallait absolument aller au bout. Mais savez -vous ce que c’est de lire un journal ? Le journal ne fait que raconter la banalité de la vie de celui qui le tient, les jours s’enchaînent et des événements plus ou moins intéressants se produisent.


Mais Matthieu Galey est un personnage qui évolue dans une sphère un peu particulière. Homme de lettres, critique littéraire, homosexuel. Alors ce qui l’occupe dans la vie, ce sont les livres et leurs auteurs. Mais aussi ses multiples aventures, qui peuvent parfois virer au sordide, et parfois aussi, receler une certaine volupté. Mais un journal n’est pas ce genre de livre qui donne immédiatement envie de tourner les pages. Au contraire, il se lit lentement, pour intégrer et assimiler les informations. Il n’y a pas de véritable continuité, ce qui permet justement de le picorer petit à petit.


La grande force de cet ouvrage est de nous montrer le monde littéraire parisien comme si on y était. Les jurys de prix tels que le Goncourt n’auront plus aucun secret pour nous. Il s’agit avant toutes choses de batailles d’intérêts entre les éditeurs, avant d’envisager la part d'art. Autre force majeure, les portraits des auteurs que rencontre Galey, et qui jalonnent le journal au cours des années. On apprécie découvrir Louis Aragon, Marguerite Yourcenar, Nathalie Saraute et j’en passe. On est étonné aussi, de constater les goûts plus ou moins particulier de Matthieu Galey pour les auteurs proches de l’extrême droite vichyste et antisémite, sachant qu’il est lui-même à moitié juif. Ainsi, rarement un livre n’aura autant évoqué Chardonne et Jouhandeau avec des termes aussi élogieux.


La description des nombreux voyages de l’auteur à l’étranger est également pour lui une opportunité de laisser s’exprimer son stylé littéraire, très efficace dans sa clarté, surtout pour les descriptions des lieux, situations et surtout, des personnes.


Pour un jeune homme comme moi, né quelques années après la disparition de Matthieu Galey, l’écueil est de tomber surtout sur des personnages qui ne nous évoquent pas grand chose. Même si Google est là, lire tant de noms qui nous sont inconnus peut parfois s’avérer frustrant. Mais parfois, quel plaisir de reconnaitre justement des noms, à des époques où les personnes mentionnées n’avaient pas encore atteint le sommet. Ainsi, les apparitions précoces de Jean d’Ormesson ou de Patrick Mondiano sont précieuses. Tout comme ces nombreuses rencontres avec des académiciens ou ces réunions du comité de lecture de la Comédie Française. Et parfois, le journal fait même tristement écho à l’actualité lorsqu’on en vient à lire ce que Galey écrit à propos de Matzneff :« Léon Bloy de poche (qui) va passer directement du fond de tiroir chez l’antiquaire."


Ce journal aborde aussi le thème de la mort avec profondeur, lorsque les écrivains célèbres qu’il fréquente disparaissent, ou qu’il s’agisse des membres de sa famille. Et pire encore, la propre mort de l’auteur atteint d’une maladie incurable, la fameuse maladie de Charcot (SLA). Maladie qui lui fait perdre peu à peu toutes ses capacités physiques mais qui laisse sa conscience intacte. On assiste alors au spectacle d’un homme commentant son propre crépuscule. Glaçant.


Matthieu Galey est un personnage particulier, amoureux des belles lettres, vouant une véritable dévotion à Proust. Observateur acéré du monde littéraire, il laisse avec son journal une œuvre d’une rare richesse. Même s’il y déplore souvent de ne pas avoir écrit une véritable œuvre littéraire faite de romans et autres. Son journal tout à fait singulier, montre la vie d’un homme urbain, entre le théâtre, les réunions littéraires, et surtout, les aventures amoureuses trépidantes. La vie d’un homme en somme, qui n’a pas perdu un instant pour en profiter à fond.


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Andika
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le 18 avr. 2020

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