Frustrant et prometteur à la fois

Il semble que les Terriens fassent figure d’exception au sein de la galaxie. Toutes les extraterrestres ont été initiés par une espèce plus ancienne, qui leur a donné accès au niveau technologique nécessaire au voyage spatial, pour ainsi pouvoir rejoindre la civilisation galactique. Pourtant, il n’existe aucune trace des « parents » de l’humanité. Depuis le Contact, les Terriens sont malgré tout plus ou moins acceptés par les Galactiques, car ils ont eux-mêmes élevés à la conscience les dauphins et les chimpanzés. Jacob Demwa travaille avec les dauphins du Centre pour l’Elévation, quand il est contacté par son ami extraterrestre Fagin. Celui-ci lui propose de rejoindre une expédition vers le Soleil en compagnie d’autres humains et de quelques représentants extraterrestres, dans le but de découvrir la nature des mystérieuses formes fantomatiques observées à la surface de la chromosphère.

Jusqu’au cœur du Soleil est le premier roman de l’auteur, et il constitue le point de départ d’un cycle composé d’une dizaine de récits (romans, nouvelles, novellas, …). Ce premier tome est donc plutôt prometteur, prenant place dans un univers riche et original. Le récit se concentre d’ailleurs sur la question de l’Elévation, les rapports entre les différentes espèces clientes et patronnes, tant du point de vue politique que philosophique et scientifique, et sur le statut de l’humanité qui vient de rejoindre la communauté galactique. Ce contexte permet d’aborder de très nombreux thèmes et se révèle d’une grande richesse.

Ce livre apparaît avant tout comme un space opera mâtiné de quelques graines de hard science (l’auteur a collaboré avec la NASA et est docteur en astrophysique). Il prend néanmoins une direction inattendue plus ou moins au tiers du récit, vers un whodunnit à la manière d’Agatha Christie. Nous avons donc droit à une enquête menée par un fin limier, qui va jusqu’à rassembler tous les protagonistes dans une même pièce pour délivrer son verdict, comme Hercule Poirot. Mais d’autres rebondissements attendent ensuite le lecteur, qui subit un très long combat final à rallonge qui semble tiré d’un mauvais film d’action hollywoodien. L’épilogue est également un peu caricatural, avec cette réunion où les différents survivants expliquent tous les points de l’intrigue qui n’ont pas encore été expliqués et sortent quelques lapins de leurs chapeaux pour résoudre les diverses difficultés engendrées par leurs actions.

Les personnages sont peu profonds, on s’y attache d’ailleurs assez peu, et leur histoire est à peine esquissée, y compris celle du personnage principal dont le traumatisme passé ne sera jamais expliqué, par exemple. Les soubresauts du passé récent de la Terre, juste avant et juste après le Contact, sont à peine abordés alors qu’on aimerait justement en savoir un peu plus.

Jusqu’au cœur du Soleil donne naissance à un univers très travaillé mais Brin ne parvient pas à en exploiter tout le potentiel et s’égare dans une histoire inégale qui aurait pu se dérouler dans un manoir anglais alors que l’action a lieu dans un vaisseau rempli d’extraterrestres à la surface du Soleil… Le sentiment de frustration est d’autant plus décevant que le lecteur ne peut rester insensible à cette galaxie bâtie sur une Bibliothèque qui transmet le savoir et la culture des races ancestrales, à ces rapports ambigus de domination entre espèces, à ces espèces toutes différentes et singulières, et à ce mystère qui rôde à la surface du Soleil. Malgré tous ses défauts, ce livre parvient à tenir le lecteur en haleine et constitue une introduction à la fois frustrante et prometteuse à un cycle qui aura marqué son époque.

https://olidupsite.wordpress.com/2018/09/26/elevation-tome-1-jusquau-coeur-du-soleil-david-brin/