Kitano le réalisateur, Takeshi l'animateur.

Derrière un visage abîmé se cache ainsi deux personnalités aux antipodes l'une de l'autre. Le premier s'est fait connaitre à l'étranger par ses longs-métrages et son jeu d'acteur, le second est très populaire au Japon grâce à ses spectacles comiques (manzai) et ses émissions de télévision déjantées. Personnage intriguant, rarement dans la norme, l'homme fascine et étonne : salué par la critique du septième art (Lion d'or et d'argent à Venise pour Hana-Bi et Zatoichi, prix de la critique au Festival du film policier de Cognac pour Sonatine) il est également décrié pour ses jeux télévisés d'une qualité très variable.

Si je vous parle du cinéaste, l'un des plus connus en dehors de l'archipel avec Kurosawa, Miyazaki, Ōshima ou encore Ozu, c'est à l'occasion de la sortie de son « autobiographie », Kitano par Kitano. Pendant quatre ans, l'artiste va se livrer à une quarantaine d'entretiens avec Michel Temman, journaliste français et correspondant au Japon pour Libération et Ouest-France. L'occasion de découvrir un personnage vraiment à part à travers 300 pages.

Car jusqu'à présent, je connaissais peu Kitano. Ma première rencontre avec le cinéaste fut au début des années 2000, avec le choc Brother. Encore aujourd'hui, le film reste d'ailleurs mon préféré, loin devant tous les autres. Cela peut sembler assez paradoxal dans la mesure où Brother a finalement reçu un accueil mitigé, que ce soit par les critiques ou les spectateurs. Pourtant, je reste subjugué par ce long-métrage. Allez comprendre... c'est peut-être parce qu'il a été justement le déclencheur qui m'a fait découvrir Kitano. Tout simplement.

Curieusement, Brother est également le seul film du réalisateur qui ne se déroule pas au Japon, mais aux États-Unis. L'histoire s'intéresse à Yamamoto, un yakuza forcé à l'exil après avoir refusé de se soumettre à un clan adverse. Il part donc à Los Angeles rejoindre son demi-frère Ken, mais au lieu de se ranger Yamamoto va commencer à fonder sa propre famille de gangsters... au risque de se heurter à d'autres bandes déjà en place.

Par la suite, j'ai commencé petit à petit à m'intéresser à ses autres films. C'est sur les conseils d'un ami que j'ai découvert tour à tour Hana-Bi, Sonatine et Violent Cop. Et je dois dire que la toute première fois, je n'ai apprécié que très modérément. Et pour cause, Takeshi Kitano a rapidement fait du plan-séquence une de ses marques de fabrique. Alors forcément, quand on est pas vraiment préparé, ça a de quoi surprendre. Et puis lorsqu'on est plus jeune, ce n'est pas forcément ce que l'on recherche au cinéma !

Il m'aura donc fallu un peu de temps avant d'apprivoiser le style de Kitano. Sauf peut-être pour Zatoichi, un long-métrage de chanbara qui d'ailleurs n'emprunte au genre que le nom : le film s'éloigne assez largement des codes du genre, et surtout de la figure populaire du masseur aveugle. Il n'empêche, cela a été un gros succès commercial à l'étranger comme au Japon. Incontestablement, Zatoichi est l'un des films que j'apprécie le plus du réalisateur.

De toute sa filmographie en tant que réalisateur, j'ai désormais tout vu. Sauf ses trois derniers films : Takeshis' (タケシズ), Glory to the Filmmaker ! (監督・ばんざい!) et Achilles and the Tortoise (アキレスと亀). Cela ne saurait tarder. Cependant, j'appréhende un peu de les découvrir depuis que j'ai lu les commentaires de Kitano à leur sujet... visiblement, cette trilogie semble s'inscrire vraiment à part dans l'œuvre de cinéaste. Une sorte de catharsis pour ne pas se laisser griser par le succès ? Je verrai bien.

Je pourrais sans doute continuer longtemps à épiloguer sur les films de Kitano. Mais ce serait réduire son « autobiographie » à un seul aspect du personnage. Car Kitano, c'est avant-tout un fameux humoriste de manzai (c'est de là que vient son surnom Beat Takeshi, suite à sa collaboration fructueuse avec Kiyoshi Kaneko – Beat Kiyoshi – dans l'humour) et un homme de TV. Pas moins de huit émissions hebdomadaires sont organisées et animées par Kitano.

Au final, si vous appréciez le cinéaste et que vous souhaitez découvrir le personnage au-delà de ses films, Kitano par Kitano pourrait bien être un choix judicieux (d'un autre côté, il ne me semble pas qu'il existe une pléthore de livres à son sujet... du moins en France !).
Soren
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le 22 sept. 2010

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