Lire Nietzsche, c'est toujours prendre une claque. Mais là où cela se ressent le plus, c'est, je trouve, dans L'Antéchrist. Petit livre agréable à lire, il n'en est pas moins extrêmement éclairant quant à toute la philosophie de son auteur.

C'est certainement dans L'Antéchrist, en effet, que Nietzsche dévoile le mieux son accusation "d'inversion des valeurs", en en faisant presque un système. Il montre en effet avec violence et agressivité tout ce que le christianisme a perverti, renversé, corrompu, vicié. Il tente de montrer en effet que chacune de nos valeurs actuelles et sociales : la bonté, la patience, le pacifisme, l'égalité... n'est en fait rien de plus qu'une valeur qui n'en est à l'origine pas une. Et, "à l'origine", cela signifie dans un état naturel, vital, non social, duquel les forces primaires n'ont pas encore été détournées.

Il est en effet évident pour Nietzsche que dans cette situation naturelle primordiale, les êtres ne sont rien de plus que des énergies (des volontés de puissance) s'opposant les unes aux autres : se supprimant, se consommant, s'évitant, se combinant, se détruisant, créant... Et finalement la vie n'est rien de plus.

Aussi, lorsqu'une morale nous invite à cesser de détruire, de supprimer, de s'imposer, alors c'est qu'elle s'oppose à la vie. Certes, dira-t-elle, elle s'oppose surtout à la violence, à la domination de l'un par l'autre, à la brutalité. Mais, se faisant, elle s'impose elle-même, elle brutalise ce qui s'y oppose, elle domine par sa toute nouvelle moralité, et avec la violence la plus extrême qui soit : une violence invisible, une violence qui se cache, qui gangrène l'esprit et finit par le retourner contre lui-même. C'est donc une moralité qui refuse la vie, au profit de ce qui n'est pas elle : c'est-à-dire la mort. Pas étonnant, donc, que le christianisme prie un dieu mort, vénère les martyres, et attend patiemment le paradis.

On pourrait dire que le christianisme joue le jeu de la vie : il domine. Certes, mais il le fait hypocritement. Il n'utilise pas la force ou la créativité, il utilise la perfidie, la petitesse, la torture psychologique. Et c'est cela que refuse Nietzsche. C'est le manque de grandeur, de noblesse, d'aristocratie finalement, qui condamne nos sociétés à combattre tout ce qui est profondément vital (la beauté, l'art, l'initiative) au profit de ce qui amoindrit la vie (le confort, la plainte constante, le refus de la douleur...). Avouons-le, parfois, en lisant le Nietzsche de 1880, on ne peut s'empêcher de penser qu'il a vu juste sur beaucoup de travers de nos sociétés modernes.

Il n'y a alors plus qu'une chose à faire : prendre la main de Nietzsche, et suivre le pourfendeur de cette moralité, emboiter le pas de l'antéchrist.

Steino
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