Le sujet n'avait pas grand-chose pour me plaire : saturée d'images désolantes du Moyen-Orient depuis toute petite, j'ai développé une surdité sélective aux absurdités nées dans cette partie du monde, considérant qu'on avait déjà bien assez à faire avec nos propres névroses. Mais j'avais dans les mains cet exemplaire dédicacé à mon nom, me souhaitant "tout le bonheur du monde", et ça a affaibli ma détermination farouche. J'ai donc lu mon premier Yasmina Khadra. Il faut avouer que ça m'a plu. La prose poétique et intrépide de l'auteur a su soutenir mon attention, en dépit d'un sujet un peu tapageur : la découverte par un mari abasourdi de l'attentat-suicide commis par sa femme, sans qu'il ait rien vu venir. L'événement est le déclencheur d'une quête éperdue et pessimiste, que je suis parvenue à suivre sans me lasser, en dépit d'une comparaison inconsciente avec une mythologie comme celle de Homeland, intégrée un peu à mon corps défendant par la fréquentation des versions hollywoodiennes des tensions de cette zone en disgrâce. Mais là, petit à petit, par une adjectivation inventive et un enchaînement implacable des étapes du deuil, Khadra a su me prendre à son jeu et j'avais hâte d'aller au terme de la quête de son personnage, cet éminent chirurgien arabe si bien intégré dans la société israélienne qu'il en a oublié ses racines. Le tour de force de ce petit roman attachant, c'est justement de raviver ces liens distendus en donnant la parole de façon équanime aux deux côtés du mur. Au final, on intègre en douceur l'aspect inextricable de cette situation dans laquelle tout le monde a tellement raison que les torts sont forcément mortels. Le clinquant désespéré de la société israélienne contre le tribalisme viscéral de la société palestinienne. Je ne m'attendais pas trop à y trouver de l'intérêt, mais la verve de la langue m'a séduite malgré moi et j'ai dû sortir de ma posture exaspérée pour retrouver une sorte de connexion ténue avec les psychés autochtones souffrantes. Bien joué, donc, et ça me donne envie de passer sur les quelques tournures à la "comme si tout est pour le mieux", quand même ébouriffantes, qui jalonnent le récit...