La Divine Comédie a un statut quasi mystique, un sorte d’aura se dégage de la réputation de ce livre, tant de fois cité comme référence dans beaucoup de milieux différents, de la peinture au cinéma en passant par la musique et la littérature. La culture populaire s’en aussi emparé, on a des références à L’Enfer dans le jeu vidéo et les séries, dirons-nous, abordables. Comme j’avais envie d’en savoir plus à propos de ce mythe, je me suis procuré les trois bouquins de la Divine Comédie et me suis plongé dans l’univers de Dante.

Le premier des trois, sans doute le plus connu, est L'Enfer. Il y est retranscrit une exploration de l'au-delà à travers les cercles infernaux, sortes de couloirs caverneux où Dante et son guide Virgile rencontrent diverses figures historiques et mythologiques, ainsi que des personnages contemporains, tous punis selon leur propre péché. Le poème présente une structure complexe et symbolique, avec une progression allégorique de cercles de péché de plus en plus profonds, allant crescendo dans le supplice, selon le degré de gravité du crime imputé.

Si la porte des Enfers, indiquant « Vous qui entrez ici, abandonnez tout espoir. » est le symbole le plus connu et revisité de l’œuvre, L’Enfer possède des épisodes également remarquables, grâce à la façon dont Dante utilise la poésie pour représenter les tortures et les souffrances des damnés. Par exemple, dans le cercle des Luxurieux, Dante décrit les âmes tourmentées par des tempêtes infernales, emportées sans cesse par des vents violents. Ce choix d'imagerie souligne l'agitation et le manque de paix de ceux qui ont succombé au péché de la luxure. Les saltimbanques soi-disant devins marchent la tête renversée, le regard éternellement penché vers l’arrière, eux qui prétendaient pouvoir lire l’avenir.

Le Neuvième Cercle contient les traîtres, des corps prisonniers d’un lac gelé, engoncés à tout jamais. Les plus grands pécheurs, les auteurs de trahison envers leur père (dans le sens chrétien), sont dévorés, mâchés sans fin par le Diable, lui-même à moitié immergé dans la glace. Sa tête tricéphale mastique les trois plus gros blasphémateurs, Judas, Brutus et Cassius. J’adore ces images, et tout l’Enfer en regorge. L’allégorie est pertinente, tout fonctionne, on comprend l’ironie, la logique du châtiment pour chaque pécheur. Et puis, cette vision du Diable à trois têtes, c’est la classe !

Un autre aspect important est la dimension politique de l'œuvre. Dante utilise son Enfer comme une critique subtile de la politique de son époque, en incluant des personnages contemporains qu'il jugeait responsables du chaos et de la corruption de la société. Par exemple, il condamne ouvertement certains papes et dirigeants politiques de l'époque, les décrivant dans des situations infernales appropriées à leurs méfaits présumés. Il y a beaucoup de références à la guerre Florentine entre les Guelfes et les Gibelins, impossible de comprendre quoi que ce soit à ce propos sans annotations. Dommage, l’abondance de celles-ci interrompt la lecture.

Enfin, L'Enfer met en évidence le voyage spirituel et moral de Dante lui-même. Le protagoniste est guidé à travers les différents cercles de l’enfer par le poète romain Virgile, son idole, représentant la raison et la sagesse. Tout au long du voyage, Dante prend conscience de la gravité de ses propres erreurs et de la nécessité de la rédemption. Il pleure souvent, ce qui démystifie son côté poète grandiose qui dompte les Enfers, qu’en a fait la culture populaire.

L'Enfer est une œuvre marquante par son symbolisme, qui illustre les péchés et les souffrances humaines qui en sont leurs conséquences à travers une narration poétique antique et une imagerie saisissante. C’est un plaisir de se laisser guider. Ne faites pas attention à la poussière et aux rides, et embarquez avec Charon.

Ubuesque_jarapaf
8

Créée

le 18 juil. 2023

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