Alors qu'il regagne sa tranchée après un tir d'obus, Abel Chagnac, trente-six ans, bute sur un homme enseveli sous la terre et les débris. le côté droit de son visage est arraché, et il tient en l'air sa main ornée d'une chevalière. Aidé d'un compagnon d'armes, Abel le dégage, mais sur le chemin du poste de secours, les trois hommes sont balayés par un tir ennemi. Blessé aux jambes, Abel perd connaissance. Il reprend conscience dans un pensionnat transformé en hôpital.
Un officier défiguré l'y rejoint peu après. Abel reconnaît à sa chevalière l'inconnu qu'il a sauvé. le Major Adrien Delaitre est médecin, instruit, Abel sait à peine lire et lutte pour améliorer la condition ouvrière, contre les bourgeois. Pourtant, malgré leurs différences, les deux hommes vont nouer une relation intense, le major écrivant dans un cahier, Abel lisant avec difficulté.
Le prologue met tout de suite dans l'ambiance. « Mouvements de camions, portes claquées, ordres répétés par des voix pressées. Des paroles d'urgence, de danger imminent. » Et plus loin « Il manquait un morceau à chacun d'entre eux, mais pour la gamberge, ils n'étaient pas les derniers. » Valérie Paturaud enchaîne avec une description du champ de bataille quand le vacarme des obus s'arrête enfin : elle parle du « silence lourd et poisseux », de « la blancheur ouatée » des lieux, et des énormes cratères dans lesquels il ne faut pas tomber, sous peine de ne jamais pouvoir en remonter. En quelques pages, elle plonge le lecteur dans l'horreur de la guerre, donne des détails très réalistes. le style, un peu bourru, rugueux, sans fioritures, convient parfaitement au contexte.
Valérie Paturaud évoque, à travers les personnages d'Abel et d'Adrien, la fraternité entre soldats qui ne se seraient pas côtoyés dans la vie civile, du fait d'origines sociales trop différentes. Et la seconde partie du roman, lorsque les deux hommes sont séparés, parle d'un autre aspect de cette relation : que deviennent ces moments de souffrance et de camaraderie partagés quand la guerre se termine ? Et comment les soldats, a fortiori les grands blessés comme Adrien, peuvent-ils se réadapter à la vie civile ? Valérie Paturaud parle avec beaucoup de justesse des traumatismes psychologiques. Une scène, à la fin du roman, m'a particulièrement touchée : celle où soldats et familles laissent de côté le discours officiel, le courage, les héros tombés pour la patrie, pour évoquer avec émotion et simplicité leurs chers disparus.
Une très belle lecture, que je recommande.
#LEnseveli #NetGalleyFrance
Je remercie Netgalley et les éditions Les Escales pour le service presse.