L'Épidémie
7.1
L'Épidémie

livre de Åsa Ericsdotter (2016)

Bien que paraissant dans la collection noire de son éditeur, ce bouquin n'est pas totalement un policier. Bien que sa construction scénaristique (fort honnête sans être diablement originale) s'y apparente fortement. Mais ce n'est pas là la qualité principale de l'ouvrage : c'est plutôt le côté politique-fiction qui percute. Un leader politique va prendre le pouvoir, par la voie électorale, en Suède, sur la base d'un programme visant à promouvoir la santé, par la voie exclusive de la minceur de la population. Un leader politique comme il en existe des dizaines, en France et dans le monde, beau gosse, beau parleur et démagogue à souhait. Ardent défenseur d'un hygiénisme culturellement très nordique et qui exhale des relents de nazisme (qui fut notamment le premier régime politique de l'histoire à vouloir lutter contre le tabagisme).

Simplement, ici, la catégorie stigmatisée, ce sont les gros. Ça aurait pu être les pauvres ou les arabes (deux catégories fortement intersectées en France), peu importe. Le bouquin est intéressant dans le sens où il montre à quel point il est aisé, lorsqu'on contrôle les médias, de monter la majorité de la population contre une minorité présentée comme nuisible au pays ou défaillante. Et puis, c'est créateur d'opportunités économiques : ici, camps minceurs, régimes, pilules pour faire maigrir, poses d'anneaux gastriques. Et puis, surtout ça montre qu'une fois que la machine est bien lancée, elle s'auto-alimente de la haine par tout un chacun et qu'il devient bien difficile de l'arrêter dans sa course effrénée vers une solution finale.

Sans doute un rappel salutaire que de lire ce bouquin quand on observe ce que sont devenues les classes politiques dans nos sociétés occidentales : incapables, faute de volonté réelle, de résoudre les vrais problèmes des populations (logement, transport, accès aux soins et à une alimentation décente, équilibre vie privée - vie professionnelle), elles ont désormais recours à la bonne vieille tactique du bouc émissaire (pouvant être arabe, juif, chômeur ou comme ici en surpoids) pour capter l'attention d'électeurs, qui, fort heureusement, se raréfient (oui, tout le monde n'est pas encore devenu complétement con). Mais ce bouquin a la qualité d'anticiper avec pertinence ce qui pourrait advenir - de glissement imperceptible en glissement imperceptible - dans quelques années dans une de nos si belles démocraties si rien de décisif ne se passe d'ici là. Et ça fait froid dans le dos...

Marcus31
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Lu en 2022

Créée

le 29 nov. 2022

Critique lue 37 fois

Marcus31

Écrit par

Critique lue 37 fois

D'autres avis sur L'Épidémie

L'Épidémie
Cinephile-doux
8

Zéro pour cent de matière grasse

Toutes les dystopies ne se valent pas. La question de la vraisemblance, en particulier, est primordiale, pour adhérer ou non à ce type de récit. Celle d'Asa Ericsdotter (dont c'est le premier roman...

le 2 juin 2020

4 j'aime

2

L'Épidémie
Mister_Pop
7

Un bon thriller un poil trop évident

J'ai passé un bon moment devant ce livre, qui montre une société suédoise faisant régner une dictature sanitaire dure pour éliminer l'obésité. Le sujet est donc assez original ! Une fois qu'on a dit...

le 24 déc. 2020

Du même critique

Papy fait de la résistance
Marcus31
10

Ach, ce robinet me résiste...che vais le mater

Ce qui frappe avant tout dans ce film, c'est l'extrême jubilation avec laquelle les acteurs semblent jouer leur rôle. Du coup, ils sont (presque) tous très bons et ils donnent véritablement...

le 2 sept. 2015

36 j'aime

5

Histoire de ta bêtise
Marcus31
10

A working class hero is something to be

Un pamphlet au vitriol contre une certaine bourgeoisie moderne, ouverte, progressiste, cultivée. Ou du moins qui se voit et s'affiche comme telle. On peut être d'accord ou non avec Bégaudeau, mais...

le 15 avr. 2019

32 j'aime

7

Madres paralelas
Marcus31
5

Qu'elle est loin, la Movida

Pedro Almodovar a 72 ans et il me semble qu'il soit désormais devenu une sorte de notable. Non pas qu'il ne l'ait pas mérité, ça reste un réalisateur immense, de par ses films des années 80 et du...

le 14 déc. 2021

25 j'aime