L'avènement des autocrates
Les politiques raisonnables modérés, favorables à la mondialisation, sont fortement remis en cause. Leur succèdent des autocrates, soit une nouvelle génération de despotes éclairés, qui dynamitent le...
le 4 mai 2025
Après Les ingénieurs du chaos et Le Mage du Kremlin qui décryptaient, pour l’un, la stratégie d’affirmation par le chaos des nouveaux leaders populistes, pour l’autre, les ambitions de Poutine, l’ancien conseiller politique italo-suisse Giuliano da Empoli analyse les mécanismes à l’oeuvre dans le désordre mondial savamment entretenu par Trump.
Que se passe-t-il lorsque, ayant fait feu de tout bois – colère des insatisfaits et caisses de résonance numériques – pour déborder la démocratie libérale, l’un de ces stratèges du chaos parvient au pouvoir ? La réélection de Trump sonne l’heure d’une nouvelle ère, quand, d’outil de rébellion, la politique du chaos se fait institutionnelle, le gouvernant exerçant le pouvoir en multipliant les effets de sidération par l’imprévisibilité et l’usage incontrôlé de la force.
Ces nouveaux tyrans sont déjà un certain nombre à graviter dans ce que l’auteur identifie comme un nouveau cercle de prédateurs, parmi lesquels, entre Trump et Poutine, l’on peut citer Nayib Bukele au Salvador, Javier Milei en Argentine ou Mohammed ben Salmane en Arabie Saoudite. Tous ont en commun un comportement « borgien », de Borgia, le Prince qu’observa si cyniquement Machiavel. Au diable éthique et morale, seule compte la conservation du pouvoir.
Alors, à chaque époque les moyens : si les condottières du XVIe siècle profitèrent de l’invention de l’artillerie pour faire primer l’offensive dans un paroxysme de violence précipitant la fin des fortifications de type médiéval, les prédateurs de notre siècle se servent eux aussi de la rupture technologique pour avancer leurs pions. Le pouvoir passe aujourd’hui par les réseaux sociaux et leurs algorithmes, dictateurs et milliardaires de la tech s’empressant d’allier leurs forces dans ce nouvel espace sans règles propice à l’exacerbation de la violence et du chaos.
Convaincu que, bien loin de nous trouver confrontés à quelques événements conjoncturels, nous vivons un vrai changement d’époque et qu’est en train de s’ouvrir « une ère de violence sans limites », d’autant plus dominée par le rapport de forces que l’attaque, cyber ou autre, est redevenue moins coûteuse que la défense, l’auteur nous voit face aux conquistadors de la tech comme les Aztèques face aux conquistadors espagnols. Alors que, comme eux, nous restons incapables de nous décider entre fascination et rejet, notre passivité frise l’inconscience du précipice vers lequel le monde fonce tête baissée.
Avec ses illustrations frappantes tirées de son expérience personnelle au sein des microcosmes politiques, l’élégance toute littéraire de sa plume et ses punchlines en salves, Giuliano da Empoli signe un nouvel ouvrage que l’on aurait aimé moins bref et un peu plus approfondi, mais, en tous les cas, d’une clarté et d’une lucidité saisissantes n’ouvrant guère la porte à l’optimisme. C’est d’un avenir glaçant dont il se fait ici l’oracle. Une lecture éclairante, aussi terrifiante que fascinante, qui ne peut laisser indifférent. Coup de coeur.
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.
Créée
il y a 5 jours
Critique lue 47 fois
8 j'aime
6 commentaires
Les politiques raisonnables modérés, favorables à la mondialisation, sont fortement remis en cause. Leur succèdent des autocrates, soit une nouvelle génération de despotes éclairés, qui dynamitent le...
le 4 mai 2025
En 1986, un vieil homme agonise dans une abbaye italienne. Il n’a jamais prononcé ses vœux, pourtant c’est là qu’il a vécu les quarante dernières années de sa vie, cloîtré pour rester auprès d’elle :...
Par
le 14 sept. 2023
20 j'aime
6
Emile n’est pas encore trentenaire, mais, atteint d’un Alzheimer précoce, il n’a plus que deux ans à vivre. Préférant fuir l’hôpital et l’étouffante sollicitude des siens, il décide de partir à...
Par
le 20 mai 2020
19 j'aime
10
Lui-même ancien conseiller de Matteo Renzi, l’auteur d’essais politiques Giuliano da Empoli ressent une telle fascination pour Vladimir Sourkov, « le Raspoutine de Poutine », pendant vingt ans...
Par
le 7 sept. 2022
18 j'aime
4