L'Île au trésor par ngc111
Il n'y a pas à dire, les histoires de pirates fleurent bon l'aventure, le voyage et l'exotisme. On a beau connaître tous les poncifs du genre, ou plutôt toutes les caractéristiques pour employer un terme moins péjoratif, on ne se lasse pas de lire, de regarder ou d'écouter des histoires d'hommes violents, imbibés de rhum, courant la mer pour des pièces d'or, avec en fond des légendes de trésor cachés et de capitaines sanguinaires.
Bien entendu l'on retrouve tout ça dans L'île au trésor et l'on se gargarise de ressentir les frissons du jeune Jim Hawkins devant l'arrivée dans l'auberge familiale d'individus peu fréquentables et pourtant terriblement attirant de par leur aura mystérieuse et dangereuse. Il y a ces pirates qui glacent le sang, ces pirates un peu ridicules, ces pirates manipulateurs et ces pirates imbéciles et puis il y a ce docteur sage et réfléchi, ce capitaine méfiant et ce chevalier bien trop bavard et naïf. L'aventure est formidablement mise en place, le crescendo est efficace sans jamais nous prendre pour des idiots (l'auteur ne joue pas avec les révélations et l'on sait ainsi dés le départ que Long John est un traître) et l'idée de cette chasse au trésor en pleine concurrence est à faire frémir le plus placide des lecteurs.
Pourtant Stevenson prend un peu le contre-pied de nos attentes et propose autre chose qu'une fuite en avant à la recherche d'un coffre planqué derrière des énigmes plus ou moins tordus. Il explore plutôt l'ambivalence du personnage de Long John, pas vraiment "jusqu'au boutiste" mais plutôt opportuniste ; il choisit l'affrontement direct entre les pirates et la bande à Trelawney avant la mise en place d'une coopération plus ou moins réelle entre les deux factions. Il choisit aussi de replacer la mer au centre du récit à un moment où l'on pensait qu'elle n'aurait pas de rôle à jouer (c'est à dire après avoir accosté sur l'île). Et la découverte du trésor n'est finalement qu'une péripétie mineure, et même un enjeu moins important qu'au départ de l'aventure. Car après les dangers qu'ont affrontés les personnages (même celui de Silver mais on en dira pas plus), ils n'ont plus en tête que la sécurité et la liberté.
Tous ces contresens aux caractéristiques habituelles et légendaires des histoires de piraterie ramènent l’œuvre de Stevenson à l'état de littérature classique et pas seulement à celui de conte pour enfant, quand bien même il parvient avec efficacité à briller dans ce registre. La structure est solide, la plume habile, les surprises nombreuses tout en confortant le lecteur par l'utilisation des codes du genre. Et même si le rythme pourra pâtir à certains moments des choix étonnants opérés par l'auteur, et que la déception arrivera sûrement chez ceux qui attendaient un peu plus d'aventure et d'épique dans la quête même du coffre, nul doute que L'île au trésor mérite d'être inscrit dans la liste des classiques à lire et relire au fil des ans.
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