Le premier roman réussi d'un auteur inexpérimenté à suivre de très très près !

Avec le bâtard de Kosigan, on découvre un écrivain auteur français débutant dans l'art du roman mais qui se révèle un auteur à suivre de très près !
Parler de Fabien Cerutti et de la genèse du roman permet de mettre assez facilement en avant les les nombreuses qualités de ce roman mais aussi les quelques retenues que l'on conserve à la fin d'une première lecture.
Avant d'être romancier, le français est avant tout agrégé d'Histoire, cette formation permet à ce roman historique uchronique et empli de fantasy d'instaurer un univers d'une richesse et d'une solidité assez rares. Très rapidement, on s'immerge dans cette France du XIVème siècle qu'on ressent par maints détails très réalistes, tels que la description de combats, des tournois, mais aussi les rapports qu'entretiennent les nobles entre-eux et plus généralement les tensions géopolitiques à l'œuvre. Jamais la présence, paradoxalement très importante, d'éléments de Fantasy ne viendra perturber cette sensation de réalité. Ici se côtoient avec une étonnante évidence elfes, magies, gnomes, dragons, nains et des rois de France, d'Angleterre, duc de Bourgogne ou de Champagne. La parfaite maîtrise du contexte permet à l'auteur d'installer aisément, sans prétention ni lourdeur, un univers à la fois solide et intrigant.
Mais le Bâtard de Kosigan, c'est à l'origine un jeu de rôle. Et plus précisément, un mod amateur de "Neverwinter Night", successeur des Baldur's Gate, connu et salué pour son scénario. L'auteur par la suite souhaita illustrer à travers une bande-dessinée ce scénario. Après plusieurs années infructueuses, le projet tomba en échec et c'est alors que notre agrégé décida d'écrire un roman pour ne plus dépendre de circonstances extérieures.
Romancier, Fabien Cerruti ne semble donc pas l'être de vocation, écrivain non plus. C'est peut-être ce qui explique les quelques retenues qui restent lorsque l'on prend quelque distance avec ce premier tome. De l'art de romancer, une narration il manque peut-être ici l'art des enjeux. En fantasy particulièrement, et pour tous les genres proprement romanesques, l'enthousiasme repose souvent avant tout sur la sensation d'un souffle qui nous portera loin dans l'intrigue. Sans forcément pousser jusqu'à l'épopée, il faut se sentir entraîner au-delà du simple événement suivant.
Ce roman a la particularité d'associer en parallèle deux intrigues, une principale nous narrant donc les aventures du Bâtard de Kosigan qui, heureusement, recouvre une grande majorité du roman et une secondaire suivant les péripéties à la fin XIXème siècle d'un archéologue aventurier, Descendant du héros, celui-ci se découvre un étrange et inattendu héritage dont il souhaitera percer les mystères. Cette seconde intrigue, bien que finalement solide, peut agacer dans un premier temps un lecteur en coupant régulièrement le récit principal qui attise bien davantage la curiosité du lecteur. En effet, pendant une bonne partie du roman, l'intérêt de cette intrigue n'apparaît pas de manière claire et son personnage central que l'on suit à travers ses lettres n'attise pas non plus forcément la sympathie ou la curiosité du lecteur. Cependant petit à petit, le mystérieux héritage soulève des questions bien plus intrigantes et l'on pressent de plus en plus le lien encore énigmatique mais inextricable entre les deux intrigues. A la fin de ce premier tome, cette intrigue parallèle et secondaire ne semble clairement plus anecdotique et a totalement cessé d'alourdir le récit. Là donc, où le romancier pèche finalement, c'est dans la mise en avant claire des enjeux de ses intrigues. Le mystère, qui aurait dû intéresser le lecteur dès le début, n'apparaît qu'au fil des révélations. La première intrigue a un défaut similaire puisqu'on découvre finalement le nœud de l'intrigue qui parcourt l'ensemble du roman à la toute fin de celui-ci. Certes le retournement de situation surprend légèrement, mais il fut dommage à la lecture que l'on eût pas senti cette tension dès le début et finalement que notre lecture n'eût pas été davantage tenue par ce fil rouge, invisible bien que très réel !
Un véritable choix est à l'œuvre ici, justifié par le narrateur et quelque peu par le scénario mais ce choix conscient, voulu, n'en est pas moins malheureux. Fabien Cerutti semble donc manquer d'expérience en tant que romancier mais ce qui est surprenant et d'autant plus intéressant, c'est qu'il ne manque pas pour autant de talent et n'ennuie pas pour autant ! Malgré l'enjeu d'une intrigue principale trop discrète, il réussit à retenir l'attention du lecteur avec une terrible efficacité.
Tout d'abord grâce à un parfait équilibrage des scènes d'actions, de réflexions, de dialogues. Puis par un art consommé du suspens avec des moments de tension très réguliers, principalement dans des fins de chapitres qui avivent la curiosité !
Malgré l'absence ou plutôt l'invisibilité du vrai nœud de l'intrigue, ce roman ne se révèle jamais ennuyant mais au contraire toujours plaisant !
En tant qu'écrivain, là aussi, le romancier semble manquer d'expérience. Le style, certes efficace, manque tout de même de descriptions et de subtilités pour toucher davantage les émotions du lecteur. On louera pourtant l'efficacité d'un style attique, propre à l'auteur, qui ne nécessite pas les emphases ou circonvolutions d'un asianisme qui n'aurait clairement pas sa place ici. On regrettera simplement que ce style n'aborde pas une palette plus large d'émotions. Mais là encore, si le style de l'agrégé manque peut-être encore d'expérience, il ne manque clairement pas de talent !
Sa narration à la première personne est une franche réussite, une telle focalisation bien que simple en apparence se transforme trop souvent chez bien des auteurs en langue grossière et simpliste entachant toute une narration qui ennuie bien souvent par son manque de densité ! Lui la maîtrise pourtant de bout en bout et elle semble toujours naturelle, sans tourner en rond ! Il y a là donc malgré encore un léger manque de variété, un véritable talent stylistique en herbe auquel certains seront très probablement aveugle mais, avouons-le, la réussite de cette focalisation tient aussi par l'un des plus évidents points forts du roman, son personnage principal.
Le Bâtard de Kosigan attire la sympathie et l'admiration. Ses qualités, ses talents sont multiples et nombreux, ses défauts inexistants. Heureusement son relatif amoralisme l'empêchera de tomber dans un cliché ennuyant. De plus, il a d'ailleurs la particularité de rester plus ou moins maître de l'intrigue. Sans pour autant dominer de manière écrasante les situations qui l'entourent, il n'en reste pas moins un personnage ancré dans ses propres plans et non le pantin d'intrigue qui le dépasserait ou qu'il subirait. C'est malheureusement trop souvent le cas des héros de fantasy se laissant embarquer par des intrigues extérieures. Si le personnage n'a lui-même pas vraiment de défauts, on pourra remarquer qu'il manque cependant pour l'instant d'une certaine profondeur et d'une psychologie plus fouillée. On ne le voit d'ailleurs de tout le roman pas véritablement évoluer et si l'on saisit peu à peu ses diverses machinations, on regrettera de ne pas encore totalement comprendre et ressentir ses motivations profondes. Mais la temporalité intradiégétique de l'intrigue finalement assez courte justifie pleinement cette absence d'évolution. On peut tout de même la regretter par le fait qu'elle se couple avec une psychologie qui n'est encore assez complexe pour être intéressante en soi, sans évolution. Heureusement la narration à la première personne et donc la très rapide familiarité qu'on entretient avec le héros permet de nous y attacher malgré tout assez rapidement !
Pour conclure à propos de ce premier tome, malgré une intrigue secondaire et parallèle en forme de roman épistolaire qui se révélera légèrement laborieuse pendant une trop grande partie du roman, le Bâtard de Kosigan est décidément un très bon premier roman introduisant à merveille, un univers historique solide, crédible et enchanteur couplé à un personnage principal suffisamment charismatique et original pour intriguer et attacher le lecteur ! L'immersion est directe et la lecture plaisante de bout en bout ! Sans véritables défauts donc, si ce n'est celui-ci mentionné précédemment, le seul point qui empêche encore la série d'atteindre le statut d'indispensable de la fantasy est l'absence de quelques qualités permettant à l'œuvre de véritablement enthousiasmer sans réserve le lecteur.
Cependant, sans vouloir me montrer trop optimiste, on sent en cette fin de tome la série s'engager dans une direction plus engageante encore ! A coup sûr, Fabien Cerutti me semble un écrivain à suivre de très près, une possible future référence de la fantasy Française qui pourrait laisser une marque indélébile dans l'histoire du genre, au moins dans nos contrées !

Vyty
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le 19 août 2015

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Vy Ty

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