Cicéron révèle ses techniques oratoires
Ce traité sur l'orateur est probablement le plus "pratique" de ceux que Cicéron a écrits sur l'art de prononcer des discours en public, et spécialement des discours dans le cadre d'une action judiciaire. Ce traité ("Orator") ne doit pas être confondu avec d'autres traités de Cicéron, au titre assez voisin ("De Oratore", "De optimo genere oratorum").
Cicéron analyse et décrit la manière dont un discours doit être prononcé. Les parties les plus originales sont relatives aux procédés subconscients par lesquels on peut captiver et émouvoir l'auditoire : la voix et la posture certes, mais surtout le rythme des mots et la prosodie (mélodie, intensité, durée, etc.). Comme tout jeune latin savait très bien distinguer syllabes brèves et longues (qui sont à la base de la poésie latine), Cicéron expose de manière détaillée quels sont les mètres poétiques que l'on peut introduire dans un discours en prose, de manière à séduire par le rythme, l'harmonie et l'équilibre l'auditoire.
L'orateur doit posséder une grande culture philosophique, aussi bien pour procéder méthodiquement à la division des idées, que parce que la philosophie s'est, avec Aristote et d'autres, mêlée de fixer les règles de la rhétorique. Démosthène, avec son style simple et nerveux, est la grande référence de Cicéron : c'est l'art "attique" du discours"; sous sa plume, par contre, les ornements expressionnistes et assez creux de l'éloquence dite "asiatique" n'ont pas trop bonne presse.
Bien entendu, Cicéron se pose lui-même en modèle de référence de l'éloquence latine dans toute sa perfection, et sa prétention à décrire "objectivement" l'orateur parfait revient souvent à parler de lui-même. Vanité parois agaçante, mais plutôt sympathique quand on connaît l'homme.
Fondé, surtout dans sa deuxième moitié, sur des citations directes en latin, ce traité suppose une certaine sensibilisation du lecteur à la mécanique de cette langue. Les autres risquent de passer à côté de l'essentiel : comment le rythme des mots peut-il susciter des réactions émotionnelles de la part de l'auditeur ? Question de psychologie et de neuropsychologie pas vraiment archaïque, il suffit d'écouter les tribuns de tous bords politiques pour se rendre compte que la raison ne constitue pas l'essentiel de leur pouvoir de conviction.