Une non-fiction par le "pape" du genre

On ne présente plus David Grann, cet auteur de non-fiction dont la réputation est désormais bien établie et dont on a pu lire récemment :

- La note américaine (dont est tiré le film de Scorcese) c'est lui,

- l'épopée des Naufragés du Wager encore lui (et ce sera encore un film de Scorcese)

- et d'autres encore.

Nul doute que David Grann possède un don certain pour dénicher d'incroyables histoires vraies.


On dit trop souvent que la réalité dépasse parfois la fiction, voici un lieu commun usé jusqu'à la corde.

C'est un stéréotype oui d'accord ... du moins jusqu'à ce qu'on ait lu David Grann !

Un auteur qui fait dire à l'un de ses personnages « les mots étaient sa façon de mettre en ordre le tumulte du monde ».


La Cité perdue de Z est une histoire de tête brûlée, une destinée hors du commun, flirtant avec l'imposture ou la mystification, une histoire de « gens ordinaires qui sont amenés à faire des choses extraordinaires ». Une fin tragique également.

Cette histoire fallait la dénicher, certes, mais encore fallait-il savoir la raconter. C'est là où David Grann excelle à mettre en scène des faits véridiques comme s'il s'agissait de romans d'aventures, des individus authentiques comme s'il s'agissait de héros de fictions, tout cela sans jamais s'éloigner de la vérité vraie mais sans non plus tomber dans la biographie aride.

L'auteur avoue lui-même que « de temps en temps, je dois me répéter que tout, dans cette histoire, est vrai » et le lecteur doit lui-aussi se pincer - dis-moi que c'est pas vrai ! mais si ! - et reste pratiquement bouche bée en attendant le dénouement car, comme dans tout bon récit, chute il y aura !

Ce sont des « histoires qui vous mettent le “grappin” dessus », dixit David Grann en reprenant les mots de Henry Rider Haggard, l'auteur des Mines du roi Salomon.


Cet incroyable récit d'aventures, soigneusement documenté, va nous faire revivre « la plus mystérieuse exploration du XXe siècle » au cours de laquelle « des explorateurs ont tout sacrifié, et jusqu’à leur vie même, pour localiser la cité de Z ».

Tout commence avec « le colonel Percy Harrison Fawcet, le dernier des grands explorateurs victoriens, le “David Livingstone de l’Amazonie” ».

Percy Fawcet ira se perdre en 1925 dans la région du Haut-Xingu, un affluent de l'Amazone, à une époque où « la jungle amazonienne demeur[ait] aussi mystérieuse que la face cachée de la Lune ».

Au fil de nombreuses années et autant d'expéditions dans la forêt vierge amazonienne, Percy Fawcet attrapera, non pas des maladies tropicales (il semblait immunisé et invincible), mais une bonne part de cette « colère de dieu », tel un Aguirre non violent mais tout aussi follement obsédé par son propre El Dorado.

Ce roman est même une expédition à tiroirs, une véritable mise en abyme, puisque l'on va suivre les traces du colonel bien sûr, mais aussi les traces de quelques unes des expéditions qui s'ensuivirent pour percer et le mystère de sa disparition et le mystère de la fameuse cité, et enfin les traces de David Grann lui-même qui, tout bobo qu'il est de Brooklyn, va tout de même se rendre dans le Haut-Xingu jusqu'au village kakapalo où l'on a perdu la trace de Percy Fawcet !

Contrairement à la plupart ses autres récits, David Grann va déroger à sa règle sacrée et mettre "un peu de lui-même" dans son bouquin et même nous gratifier d'un savoureux auto-portrait. Cela nous rend le récit plus humain et plus accessible, en venant pondérer un peu la folie surhumaine d'un explorateur comme Percy Fawcet.

David Grann est un modèle de minutie et d'exhaustivité, manquant de peu de se retrouver parmi « ces biographes qui sont dévorés par leur sujet », et après ce long récit, il ne restera plus à l'auteur et à son lecteur qu'à « imagin[er] une fin là où il n’en existait aucune » comme tant d'autres avant eux : Tintin et l'oreille cassée, Bob Morane, ou même Indiana Jones, pour ne citer que ces quelques références.

Car « la forêt seule sait tout » ...


BMR
7
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le 20 juil. 2025

Critique lue 19 fois

Bruno Menetrier

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