Sous les conseils de son psychanalyste, un homme procède à une introspection impitoyable dans une sorte d'autobiographie thématique.

Pour chaque trait de personnalité abordé, Zeno revisite les âges de sa vie et nous promène dans un mélange subtil de comique et de tragique sur des époques qui viennent et reviennent.

Pour commencer, il nous avoue sa faiblesse de caractère en donnant l'exemple de ses multiples tentatives pour arrêter de fumer qui confinent au burlesque. Il nous émeut avec la mort de son père et le traumatisme de ses derniers moments. Il nous parle ensuite de ses rapports avec les femmes. Il demandera trois sœurs en mariage le même jour. Repoussé par les deux premières (dont son amour originel Ada), il épousera finalement la troisième, la plus laide, et s’empressera de prendre une maîtresse, Clara.

C'est à l'arrivée de Clara que j'ai commencé à saisir l'originalité du roman. Zeno justifie clairement le déroulement erratique de ses pensées et explique honnêtement le comportement qui en découle, son caractère peu glorieux souvent ridicule, égoïste, faible ; et la vie qui se tisse. Il peint son existence avec les fondements de la psychologie individuelle, avec ses raisonnements et ses émotions, qui voguent allègrement d'heure en heure, au gré de son environnement, ou même de leur enchaînement propre : l'amour de Clara lui fait déclamer des paroles qui lui mettent en mémoire sa femme et ravive ainsi sa passion pour elle, ce qui mécaniquement affaiblit son amour pour Clara.

Celle-ci le quittera d'ailleurs, après avoir croisé la triste Ada, qu'elle prend pour la femme de Zeno. Lui ne veut croire à la réalité de la décision, malgré une soirée de séparation émouvante, pendant laquelle les deux amants ont clairement prononcé des paroles définitives.

Ada sombre dans la maladie de Basodow, mal dont les caractéristiques inspirent à Zeno une répartition des caractères s'échelonnant de la paresse à la dépense excessive d'énergie vitale. On imagine à quel degré de l'échelle il se situe personnellement.

Zeno n'est pas plus glorieux en affaires. Son héritage est géré par un assistant de son défunt père. Lui-même décide de travailler comme comptable dans l'entreprise de Guido, le mari d'Ada. Zeno est fasciné par l'assurance de son beau-frère, qu'il juge finalement encore plus bizarre que lui-même, tout comme il considère la vie ni bonne, ni mauvaise, mais originale.
Le destin tragi-comique de Guido et de son entreprise et la manière dont Zeno y participera, avec son amour persistant pour Ada, avec ses hésitations sans fin, est emblématique du roman d'Italo Svevo.

Zeno vieillit et abandonne la psychanalyse, mais pas son amour des femmes qu'il met à l'épreuve auprès de la fille d'un paysan voisin de son lieu de vacances. La guerre éclate. Zéno continue à ressentir les choses légèrement, à être ému par la nature tout en décrivant l'horreur que lui fait la guerre et l'idiotie des hommes. Mais c'est écrit de telle manière qu'on ressent ça comme un épiphénomène, à côté de ce qu'est réellement la vie : la nature et l'amour. C'est du Walser.
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le 28 oct. 2012

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