Ouvrage lu dans la foulée d'un voyage à Trieste et dans la région environnante, écrit par un des écrivains triestins les plus connus, Italo Svevo, ami de Joyce.
Ce roman se présente comme une confession écrite par un rentier triestin, Zeno, sur la demande de son psychanalyste. Zeno est un hypocondriaque nerveux, qui a essayé toutes les solutions, y compris les plus drastiques et les plus ridicules, pour arrêter de fumer.
Le roman est découpé en plusieurs parties inégales, dont voici les titres : "La mort de mon père", "Histoire de mon mariage", "Histoire d'une association commerciale", "psychanalyse".
Zéno est un personnage velléitaire, veule, fat, comique dans son irrésolution. On le suit dans ses tentatives d'arrêter de fumer, ses études faites en dilettante inconséquent, sa rencontre avec un négociant triestin, Giovanni Malfenti, dont il convoite successivement trois des filles ; sa relation absurde avec une petite chanteuse, Carla ; son association avec Guido, un personnage encore plus inconséquent que lui ; son début de vieillesse, alors que la guerre arrive à Trieste.
La partie consacrée à l'association commerciale fait bizarrement penser à du Balzac. La forme du journal est utilisée avec malice. Il est évident que l'on n'a droit qu'à la version des évènements par Guido. Le psy essaie d'ailleurs de vérifier un peu ce qui semble un compte rendu fort partial des évènements (quoique même avec cette version, Zeno n'en sort guère indemne). Le dernier chapitre est à part : avec l'arrivée de la guerre, Zeno fait enfin fortune en jouant sur le marché noir, et dans les dernières pages prend conscience que le monde est désormais livré à la loi du plus fort et à la mécanisation. Il en appelle, de manière inopinément noire, à un cataclysme débarrassant la Terre de l'Humanité. Est-ce un propos que Svevo reprend à son compte ? L'important me semble la dénonciation du fascisme déjà bien avancé en Italie à l'époque où le roman est écrit, en 1938. A posteriori, l'atmosphère de farniente et d'inconséquence propre à Zeno est donc vue avec nostalgie, semble-t-il.
Le décor de Trieste est présent, mais au fond assez discrètement : il est question d'un café à la mode, le Tergesteum (fermé aujourd'hui, le centre de Trieste étant massacré, comme celui des autres grandes villes, par de grandes enseignes), des promenades en haut du belvédère de San Giusto, et le ciel triestin a quelque influence sur l'humeur de notre héros, mais ce serait exagéré de dire que la ville est un personnage à part entière de ce roman.