Critique de Shaynning

Incontournable Roman Mai 2025

Je trouve pour la seconde fois Kochka, ses lignes poétiques, ses personnages philosophes et ses sujets sensibles traités avec une incroyable délicatesse ouverts sur l'espoir et l'optimisme. Après "La maison des mots perdus", "La guerre de Jeanne" nous invite dans la thématique de l'enfance face au spectre de la guerre, au devoir de mémoire, à la vigilance sociale face à l'intolérance et plus généralement aux concepts de solidarité et de fraternité.

Jeanne et sa classe en sont rendus à ce moment dans l'année où on traite des horreurs de la seconde guerre mondiale. Le sujet fini par envahir la jeune fille, qui ne sait pas trop comment internaliser pareil sujet, lourd de sens et d'implications. Comment mettre des mots sur la déshumanisation? Comment expliquer que la haine engendre le meurtre de masse? Comment vivre en sachant que ce potentiel existe chez tous les humains, si on n'y prend pas garde? Afin de mettre des mots sur des enjeux plus grands qu'elle ne peut le traiter, Jeanne fait un pèlerinage du savoir en allant s'auto-éduquer à la bibliothèque municipale. Une d.marche audacieuse, mais qui sera porteuse. Grâce aux témoignages vidéos, aux films, aux documentaires papier et même au témoignage en temps réel de Lucienne, dont un membre de sa famille a perdu la vie parce qu'il a suivi ses valeurs jusqu'au bout, Jeanne se construit une pensée critique et un espace pour mieux comprendre ce qu'implique une guerre. Surtout une guerre à cette échelle. De son projet naitra un autre projet, cette fois engageant collectivement sa classe. Un projet pour honorer les soldats, apaiser la douleur et poser un geste symbolique pour la paix.

Il y a de ce textes dont je voudrais commenter chaque ligne tant les leçons, les reflets et les réflexions y sont nombreuses et pertinentes. Il y a de ces textes où, plutot que nous entrainer dans un monde imaginaire, nous am;ne dans cette part de nous fort abstraite où l'on garde précieusement ce qui nous anime: nos valeurs, nos croyances et notre expérience. Je en calcule plus le nombre de fois où je me suis perdue dans ma propre tête des suite d'une jolie ligne inspirante. D'ordinaire, ce n'est pas forcément quelque chose qu'on apprécie, préférant les récits addictifs qui se lisent d'une traite. Or, ici, ce n'est presque pas possible. Après tout, nous suivons un personnage qui elle-même est en quête d'une part de soi pour traiter d'un sujet qui menace sa stabilité psychique. Avec Jeanne, il faut donc suivre un peu le même filon de notre côté.

J'affectionne la plume infiniment douce, mélancolique parfois, mais d'une grande poésie de Kochka. Il y a un réel travail de réflexion pour réaliser ces textes somme toute courts, mais très chargés en symboles et en philosophie.

Je ne vais pas déblatérer davantage, ce livre est d'une grande beauté, mais le décortiquer de façon exhaustive risque de finir en mémoire ou en thèse, donc je vais vous laisser le soin de le lire! Je précise que je le verrais très bien dans les classes, en lecture accompagnée, en cercle de lecture ou en complémentaire des cours sur les grands conflits mondiaux.

Pour un lectorat intermédiaire du 3e cycle primaire, 10-12 ans+