Après avoir lu La Machine à explorer le temps du même auteur, que j’avais apprécié, je me suis laissé tenter par La Guerre des mondes. N’ayant pas trop aimé l’adaptation de Spielberg à l’époque, c’était l’occasion de revenir au matériau source et d’espérer trouver quelque chose de plus qualitatif.
On se retrouve donc dans l’Angleterre du début du XXᵉ siècle, face à une invasion martienne. Wells adopte un ton très analytique et presque scientifique pour rendre cette hypothèse crédible. Le démarrage, entre euphorie de l’arrivée et chaos immédiat, m’a semblé assez daté. Le rythme est étrange et le fameux passage du frère paraît artificiel : il permet de multiplier les points de vue depuis Londres, mais comme il est raconté par le narrateur principal, il casse tout suspense puisque l’on sait dès le départ que ce dernier survivra quoi qu’il arrive.
Il reste heureusement les allégories, qui donnent au livre sa profondeur. L’invasion martienne fait miroir à notre propre domination sur les animaux, nous obligeant à prendre conscience de l’écart de force et d’intelligence entre deux espèces. La description de la physiologie des Martiens est perturbante, presque visionnaire : des êtres réduits à une tête, sans besoin de dormir ni de se nourrir, qui incarnent une possible évolution de l’humanité. Wells pose aussi une réflexion sur deux types d’hommes, celui qui se résigne et s’adapte sans combattre, et celui qui reste libre, sauvage, prêt à tout pour survivre. Enfin, il évoque la menace d’un retour des Martiens, une insécurité permanente qui empêche l’homme de se reposer sur ses acquis, ce qui est vu comme un bien pour un mal, car cela pousse vers un progrès permanent, une doctrine du machinisme cohérente avec son époque mais encore présente aujourd’hui.
En bref, un roman sûrement novateur pour son époque, bien écrit, mais qui semble daté aujourd’hui et se lit davantage comme un document fondateur pour comprendre les débuts de la science-fiction que comme un indispensable du genre, permettant de capter deux ou trois idées marquantes mais guère plus.