La Joie
7.8
La Joie

livre de Georges Bernanos (1929)

Un roman qui ne ressemble à aucun autre !

Voici la suite de "L' Imposture", qui se terminait sur la mort de l'abbé Chevance, veillé par la jeune Chantal de Clergerie qui l'aida à mourir en paix, dans la joie qu'elle avait reçue de Dieu.

Son père l'ayant confiée à l'abbé Cénabre, Chantal va se dévouer pour l'âme de ce prêtre tourmenté. C'est donc à travers Chantal que Dieu continuera à assiéger l'âme de l'imposteur.


Bernanos excelle comme personne, et bien mieux que Mauriac, à nous faire pénétrer dans l'ambiance délétère d'une grande famille provinciale, dont la frêle jeune fille, menacée par la folie, va devenir l'instrument privilégié de l'action de Dieu Lui-même.


Quand la Toute-Puissance divine passe par la toute-faiblesse humaine, les imposteurs, les tièdes, et même les pervers font ce qu'ils peuvent pour résister...

La victoire n'en sera que plus implacable et fracassante, même si à vues humaines, elle ressemble à la plus lamentable des défaites...


Voici les appréciations des contemporains de Bernanos.


Gabriel Marcel :

« Cette œuvre n'offre aucune mesure avec quoi que ce soit d'autre, soit dans le présent, soit dans le passé. »


François Mauriac :

« Bernanos, de sa poigne rude, nous maintient dans cet univers de la chute et de la Rédemption, qui est le nôtre à tous, croyants et incroyants. Car il n'est pas nécessaire d'avoir la foi pour s'y reconnaître [...], tel est le pouvoir de cette oeuvre fulgurante. »


André Malraux :

« Il a écrit les plus belles scènes de la fiction moderne, par la profondeur et la puissance. »


Julien Green :

« Bernanos savait toutes ces choses qui nous font souffrir. C'est même de cela que sa grandeur était faite. Il avait beau se présenter à nous en veston, il était l'homme de l'invisible. »


Mais laissons la parole à Bernanos lui-même en savourant quelques passages de ce roman :


« Et tel était alors le bienheureux épuisement de sa charité, sa suave détresse, qu'elle courait se réfugier dans sa chambre, refoulant ses larmes, et là, comme ivre de fatigue et de supplication, les lèvres encore occupées d'une prière qu'elle n'entendait plus, n'osant quitter des yeux son crucifix, elle croyait glisser lentement, puis tomber tout à coup dans le sommeil... Seulement elle tombait en Dieu. »

« Hélas ! s'il était vrai qu'elle ne fût qu'une malade, l'une d'entre ces pauvresses que trahissent la chair et le sang, qui amusent la curiosité des psychologues et des médecins, et dont les vraies servantes de Dieu parlent avec moins de pitié que d'aversion, que lui resterait-il donc en propre ? Rien. Pas même sa prière, pas un seul battement de son cœur. Cette pensée la traversa d'outre en outre, elle en sentit littéralement le trait éblouissant. Il n'était rien d'elle qu'elle pût désormais offrir à Dieu sans crainte, sans réserves, ou même sans honte. La perfection, l'excellence de ce dénuement, la toute- puissance de Dieu sur une pauvreté si lamentable, la certitude de dépendre presque entièrement de ce que les hommes ont nommé hasard, et qui n'est que l'une des formes plus secrètes de la divine pitié, tout cela lui apparut ensemble pour l'accabler d'une tristesse pleine d'amour, où éclata tout à coup la joie splendide... »

« Je n'ai rien, aimait à dire l'abbé Chevance. J'ai mis trente ans à reconnaître que je n'avais rien, absolument rien. Ce qui pèse dans l'homme, c'est le rêve... »

« D'où va venir la trahison ?
Car c'est à la trahison qu'Il pense, et elle y pense comme lui. C'est sur la trahison qu'Il pleure, c'est l'exécrable idée de la trahison qu'Il essaie vainement de rejeter hors de lui, goutte à goutte, avec la sueur de sang... Il a aimé comme un homme, humainement, l'humble hoirie de l'homme, son pauvre foyer, sa table, son pain et son vin, les routes grises, dorées par l'averse, les villages avec leurs fumées, les petites maisons dans les haies d'épines, la paix du soir qui tombe, et les enfants jouant sur le seuil. Il a aimé tout cela humainement, à la manière d'un homme, mais comme aucun homme ne l'avait jamais aimé, ne l'aimerait jamais. Si purement, si étroitement, avec ce cœur qu'Il avait fait pour cela, de ses propres mains. Et la veille, tandis que les derniers disciples discutaient entre eux l'étape du lendemain, le gîte et les vivres ainsi que font les soldats avant une marche de nuit, - un peu honteux tout de même de laisser le Rabbi monter là-haut, presque seul - criant fort, exprès, de leurs grasses voix paysannes en se donnant des claques sur l'épaule, selon l'usage des bouviers et des maquignons, Lui, cependant, bénissant les prémices de sa prochaine agonie, ainsi qu'Il avait béni ce jour même la vigne et le froment, consacrant pour les siens, pour la douloureuse espèce, son œuvre, le Corps sacré, Il l'offrit à tous les hommes, Il l'éleva vers eux de ses mains saintes et vénérables, par-dessus la large terre endormie, dont il avait tant aimé les saisons. Il l'offrit une fois, une fois pour toutes, encore dans l'éclat et la force de sa jeunesse, avant de le livrer à la Peur, de le laisser face à face avec la hideuse Peur, cette interminable nuit, jusqu'à la rémission du matin. Et sans doute Il l'offrit à tous les hommes, mais Il ne pensait qu'à un seul. Le seul auquel ce Corps appartînt véritablement, humainement, comme celui d'un esclave à son maître, s'étant emparé de lui par ruse, en ayant déjà disposé ainsi que d'un bien légitime, en vertu d'un contrat de vente en due forme, correct. Le seul ainsi qui pût défier la miséricorde, entrer de plain-pied dans le désespoir, faire du désespoir sa demeure, se couvrir du désespoir ainsi que le premier meurtrier s'était couvert de la nuit. Le seul homme entre les hommes qui possédât réellement quelque chose, fût pourvu, n'ayant plus rien désormais à recevoir de personne, éternellement. »
David_Waléra
10
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le 24 nov. 2023

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