La littérature, comme tout art, ou media est politique disait Paul Nizan, vrai ou faux?

On a longtemps voulu nous faire croire à l’illusion d’une littérature pure, neutre, détachée du monde. Comme si écrire relevait seulement de la beauté du style ou de l’introspection individuelle. Ce livre, à travers des entretiens d’écrivains, démonte magistralement ce mythe : toute œuvre prend position, même quand elle prétend ne pas le faire.


Paul Nizan le disait déjà en 1932 : « Je n’avais pas vingt ans. Je ne laisserai personne dire que c’est le plus bel âge de la vie. » En une phrase, Nizan fait de l’écriture un cri social, une dénonciation. Il rappelle que la littérature naît du réel, pas du vide. Elle est arme, geste, résistance.


Gramsci, lui, allait encore plus loin : chaque écrivain est un “intellectuel organique”, qu’il le veuille ou non. Produire du sens, c’est participer à la bataille culturelle. Même un roman sentimental ou un polar de gare véhicule une vision du monde, une normalité, des rapports de pouvoir. Le divertissement est lui aussi idéologique — peut-être même encore plus dangereux, car il se fait passer pour neutre.


Chomsky, enfin, l’a martelé à propos des médias : ne pas parler d’un sujet, c’est déjà faire un choix politique. L’omission est une forme active de discours. La littérature fonctionne pareil : ce qu’un auteur choisit de raconter ou d’ignorer construit une hiérarchie du réel. Écrire sur la misère, sur les dominés, sur le désir, sur la guerre ou même sur un petit déjeuner banal — tout cela dit quelque chose de la société, et de ce que l’auteur juge digne d’être vu.


Le livre rappelle aussi que le style lui-même est politique. Pourquoi Faulkner brise-t-il la temporalité ? Pourquoi Duras écrit-elle l’absence ? Pourquoi les surréalistes explosent-ils la syntaxe ? Parce que la forme est un acte de subversion ou de conformité. Comme l’a écrit Roland Barthes : « Le langage n’est jamais innocent. »


Chaque entretien du livre montre un écrivain aux prises avec cette tension : comment dire le monde ? Que montrer ? Que taire ? Et surtout : peut-on être sincère sans être engagé ? La réponse qui se dessine est limpide : l’“apolitique” n’existe pas. C’est simplement la politique de ceux qui dominent déjà, qui n’ont pas besoin de se justifier.


Ce qui rend ce recueil passionnant, c’est qu’il ne se contente pas de slogans. Il explore les zones grises : la responsabilité de l’auteur, le marché du livre, la récupération institutionnelle, la liberté de créer. Il donne la parole à des écrivains très différents — mais tous conscients que la littérature n’est pas un décor, c’est une force d’agitation, de dévoilement, de mise en question.


Au fond, ce livre rejoint la phrase de Toni Morrison : « Toutes les bonnes histoires sont politiques. » Pas parce qu’elles font un discours militant, mais parce qu’elles révèlent ce que la société ne veut pas voir.


Lire ce livre, c’est accepter que la littérature ne soit pas un refuge, mais un champ de bataille. Et c’est précisément ce qui la rend nécessaire.


👉 En bref : Une défense brillante et vivante de l’idée que l’écriture n’est jamais neutre. Un livre qui donne envie non seulement de lire… mais d’écrire avec conscience.

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il y a 2 jours

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