La Maison du chat-qui-pelote est la première œuvre ouvrant La Comédie humaine, appartenant de ce fait aux Scènes de la vie privée. C'est également l'un des premiers ouvrages composés par Balzac et une bonne porte d’entrée dans son univers, parce qu'il contient le rythme ascendant-descendant de ses grands romans, mais dans un format bien plus concis. La nouvelle est le portrait d'une jeune femme charmante et jolie, fille d'un boutiquier, marchand de textile, qui se voit tomber amoureuse d'un peintre aristocratique, Théodore de Sommervieux. Cependant, elle succombe à un mariage catastrophique avec lui. L'auteur décrypte la discordance de culture, de sensibilité et de mœurs entre les deux personnages, issus d'un milieu différent. L'égoïsme de l'homme et sa médiocrité morale font qu'il ne peut être satisfait de cette jeune femme habituée à une routine plus rigide, morale et pudique.
Pourtant, il a peint amoureusement son portrait et fait en sorte qu'elle tombe dans ses bras. L'écrivain montre parfaitement les effets du coup de foudre et cette jouissance passionnelle inconnue qui ravage physiologiquement le corps, mais l'amour naïf de la jeune femme, provenant d'une frustration due à son milieu austère et ennuyeux, transforme le désir masculin en un feu consumé. Ainsi, Balzac capte parfaitement la fin de cette gloire des corps assemblés par le désir, ainsi que la désillusion du mariage et du vide qu'il engendre lorsque le bonheur est absent. Comme il le dit : « Pour arriver au bonheur conjugal, il faut gravir une montagne dont l'étroit plateau est bien près d'un revers aussi rapide que glissant, et l'amour du peintre le descendait. »
L'œuvre devait se nommer à l'origine Gloire et malheur ; c'est la partie littéraire et descriptive des mœurs de la nouvelle. Le titre actuel renforce l'autre aspect du récit, sa part archéologique, inspirée par la propre enfance de l'auteur. En effet, La Maison du chat-qui-pelote (nom de l'enseigne de draperie sur laquelle se trouve la curieuse façade où un chat joue au jeux de paume) est un témoignage de cette petite bourgeoisie de la rue Saint-Denis et du cœur commerçant de Paris. Sa description observatrice, comme prise sur le vif, l'utilisation appuyée du jargon du métier et la représentation d'un quotidien très monastique offrent un tableau réaliste, minutieux et fouillé de ce milieu commercial. Balzac a bien connu ce genre de quartier et démontre que le milieu détermine l'avenir des gens qui y vivent. Les enfants comme Augustine n'ont aucune chance de partir de la double emprise du lieu et de l'hérédité.
Du reste, l'échec du mariage d'Augustine prouve l'échec de l'hétérogénéité du corps social, étant donné que tous les milieux ne peuvent se marier. Augustine est trop hors de ce monde aristocratique et artistique ; elle n'a pas le cœur assez fort et ne se sent pas capable de faire comme sa rivale, la duchesse de Carigliano, c'est-à-dire ne pas montrer sa passion aux hommes afin de les mettre à la chaîne, car « c'est celui qui aime le plus qui est le plus tyrannisé ». C'est un monde au caractère artificiel et cruel, où le mariage devient spéculation. Par conséquent, Augustine est une femme sacrifiée par l'orgueil masculin et peut se voir comme le premier modèle balzacien des femmes souffrantes et foudroyées, le cas liminaire d'une martyre ignorée.
Ed. Livre de Poche, 1999