Face à l'angoisse de la mort, Tolstoï a écrit la Mort d'Ivan Ilitch dans un besoin impérieux de catharsis.
Dans ce récit réaliste et d'une grande justesse, l'idéologie et l'analyse s'effacent pour laisser place à une simplicité crue, sans fioritures : chaque mot est à sa place et chaque mot est poignant.


Un homme simple, sans rien de particulier, meurt. Et avec lui l'idée de la mort nous hante.


Ivan Ilitch, juge d'instruction respecté et ayant "réussi sa vie" (si l'on s'en tient aux critères d'usage : une femme, des enfants, une belle maison, une bonne situation professionnelle... ça n'a rien d'une vie ratée si on regarde de loinnnns..), meurt seul et pourtant entouré de sa famille, seul et entouré de proches qui, sous leurs mines feignant l'inquiétude, cachent l'indifférence et l'égoïsme les plus purs. Bref, Ivan Ilitch se rend compte qu'il va mourir incompris et dans une solitude âpre, cruelle.


Face à la mort, il est pris d'une angoisse insupportable, et frappé de lucidité, il prend conscience que cette vie d'apparence si parfaite, si "comme il faut" est un échec, un gâchis, en clair : il a mal vécu.
Il prend conscience que la mort physique n'est rien face à une mort encore plus cruelle : la mort de son âme, corrompue par une société matérialiste, égoïste, faite de vanités et d'apparences. Dans cette société bourgeoise, le mensonge des hommes, leur matérialisme cachent la vraie vie : tout est dénaturé. Les parties de whist, les soirées dansantes, les commérages, les objects de décoration, les rideaux du salon, tout est là pour se mentir, s'occuper et masquer ce qui compte réellement....


Au milieu de ces personnages indifférents et hypocrites, un être échappe au mensonge. Un être pur, bon, honnête : Guérassime, le jeune servant d'Ivan. Il est le seul à réellement comprendre la gravité de la situation, sans chercher à mentir, cacher ou exagérer la mort prochaine d'Ivan, il a pitié de son maître et accompli les taches les plus incommodantes avec bonté et bienveillance.


Le fait est qu'il s'agit d'une oeuvre universelle : les angoisses d'Ivan, son impuissance, ce sont les nôtres, sa solitude est la notre : on est tous atterrés par l'idée de la mort et la crainte d'avoir mal vécu.
C'est aussi une critique sociale virulente des conventions imposées par la société bourgeoise du 19ème siècle (toujours d'actualité).
Autre point important, l'humour : des passages hyper drôles avec Ivan qui pense à son appendice rebelle et son rein flottant qu'il voulait rattraper et remettre en place en despi mdrrrrrrrrrrrr.


Ce récit illustre donc les interrogations auxquelles la mort nous accule mais n'apporte jamais de réponse en ce qui concerne sens de la vie. Les questions d'Ivan "A quoi bon vivre ? Comment bien vivre ?" restent sans réponse.
C'est peut être chez Dostoïevski qu'il faut chercher des pistes. Je vous tiens au courant


Bref conclusion : BIEN . RAS .
Fin de la critique.
Maria

eulerium
9
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le 26 avr. 2020

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eulerium

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