L’intrigue de ce récit écrit à partir de 1910 et publié en 1912 se déroule en 2073, et un vieillard né en 1986 y raconte ses souvenirs de 2013, année où une épidémie de peste annoncée dès 1929 a ravagé le monde. Comme de bien entendu, celle-ci est inexpliquée, particulièrement meurtrière et a quelque chose d’un châtiment : « Le bon et le méchant, le fort et le faible, celui qui aimait la vie et celui qui la maudissait, tous pareillement y passaient » (chapitre IV, p. 62 en collection « Babel » – c’est le vieil homme qui parle) ou encore « nous avions tous, tant que nous étions, désappris à marcher. Nous avions trop de véhicules à notre disposition » (V, p. 71, idem). Les survivants s’en sont comptés sur les doigts des deux mains – en tout cas aux États-Unis, qui semble la seule nation à intéresser Jack London, lequel, tout fasciné qu’il soit par le Wild, est pris dans la mythologique civilisatrice sur laquelle se sont bâtis les États-Unis.
On savait que l’auteur de Martin Eden était un socialiste rêvant d’être millionnaire – ou un millionnaire attaché au socialisme. La Peste écarlate met encore en relief la complexité de l’écrivain : on y lit en filigrane un pessimisme et surtout un puritanisme qui d’ordinaire se trouvent rarement sous une plume « de gauche ». Chez London, du reste, la violence post-apocalyptique est le fait de la working class : « En plein cœur de notre civilisation, dans ses bas-fonds et dans ses ghettos du travail, nous avions laissé croître une race de barbares, qui maintenant se retournait contre nous, dans nos malheurs, comme des animaux sauvages, cherchant à nous dévorer » (chap. IV, p. 59, encore idem). Ça n’en fait pas un auteur « de droite », bien sûr, mais ça alourdit le récit d’un côté très démonstratif.
Sans doute est-ce lié au fait que la voix de Jack London se démêle difficilement de celle de James Howard Smith – c’est le nom du vieillard. Parallèlement, que la narration soit confiée à un survivant n’apporte rien au récit – alors que c’est la question centrale de Quinzinzinzili de Régis Messac, par exemple. L’intérêt de la Peste écarlate est donc avant tout thématique : ni l’intrigue – car on en connaît la fin –, ni l’écriture – car ce n’est tout simplement pas un de ses enjeux – ne lui donnent de véritable relief.

Alcofribas
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le 25 févr. 2017

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