Après Kintu, un premier roman luxuriant mais quelque peu indigeste (avis personnel), La première femme montre une romancière en pleine maîtrise d'un récit qui s'étend de 1975 à 1983, avec une incursion dans les années 30, en grande partie organisée autour de son héroïne, la jeune Kirabo, mais aussi d'une myriade de femmes de sa famille. Le livre de Jennifer Nansubuga Makumbi raconte notamment l'Ouganda de la fin de la dictature du trop célèbre Idi Amin Dada mais c'est avant tout une toile de fond pour suivre l'enfance de Kirabo, à la campagne, puis son adolescence, dans une école de Kampala. A la recherche de sa mère disparue, elle côtoie une multitude de personnages de tous âges qui la font grandir et forgent son caractère singulier, exigeant et indomptable. C'est la force du roman que de nous rendre attachante cette destinée, tout en ménageant de nombreux pas de côté narratifs, à la rencontre de filles ou de femmes, au gré de portraits, très vivants, qui contribuent à rendre le livre profond, épicé et très ancré dans le territoire ougandais. Malgré un abus de termes locaux non traduits, La première femme reste limpide dans sa progression, fourmillant de scènes pittoresques, comiques et tragiques, avec autour de Kirabo, des mères, des grand-mères, des belles-mères, des amies et quelques hommes, quand même, moins nombreux mais essentiels au destin de Kirabo, dans un enchevêtrement de secrets de famille, de trahisons, de haines recuites et d'amitiés brisées. Le livre pourrait aisément être décliné en série, grâce au style vif de l'autrice et à son talent pour partager son intrigue entre événements déterminants et sentiments en constante évolution dans ce qui tient à la fois du roman d'apprentissage et de l'hymne féministe vibrant, sous la plume d'une conteuse sûre de ses effets et de l'ampleur de son récit.

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le 27 avr. 2024

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