Ce pamphlet, ou plutôt ce sermon comme le présente l’auteure elle-même, démontre parfaitement qu’il vaut mieux s’abstenir d’écrire sous la dictée de la rage et de l’orgueil, c’est à dire en fait de la haine et de l’arrogance (je paraphrase un commentaire fait à l’époque de la 1ère publication du livre).


La haine
Rédigé à la va-vite dans les jours suivant les attentats du 11 septembre, pensé comme un discours de redressement moral et national adressé à l’Italie et aux autres peuples européens jugés complaisants vis à vis de l’immigration, du terrorisme et de l’islam, “La Rage et l’Orgueil” tourne très vite à la généralisation outrancière (“les imams ont quelque chose à voir avec le terrorisme”), au sarcasme déplacé (“les fils d’Allah qui prient le cul en l’air”) ou à la xénophobie pure et simple (l’exemple des réfugiés Somaliens qui chient sur la Piazza della Signoria, présenté comme un comportement standard pour eux...). L’auteure oublie de façon grossière d’utiliser les pincettes les plus élémentaires qui auraient pu lui éviter de dire n’importe quoi. Même Finkielkraut lui a reproché son essentialisation des musulmans, c’est pour vous dire le niveau d’amalgame islam = terrorisme auquel on assiste ici ! Dommage, car il y aurait beaucoup à dire sur l’impact de la pénétration très rapide de l’islam en Europe sans virer dans des extrémités tellement mensongères qu’elles ne peuvent qu’alimenter le sentiment écoeurant de victimisation dont les salafistes se sont fait les spécialistes ces dernières années.


L’arrogance
Car Oriana Fallaci, en fin de carrière et en roue libre, s’estime en droit d’asséner une leçon de morale à l’Europe entière, à base de “moi j’ai interviewé Arafat”, “je me défends du harcéllement en donnant des coups de pied dans les couilles“ et autres délires narcissiques. Les idées vraisemblables jetées au hasard dans ce livre sans structure sont malheureusement noyées dans un océan de banalités (du style : les Etats-Unis sont le pays de la liberté et de la démocratie en tant qu’égalité des chances, le tout sans citer une seule fois Tocqueville!), et, beaucoup plus grave, d’affirmations sans preuves, sans sources pour la plupart (oui c’est un pamphlet mais quand même...) et bien sûr sans données chiffrées... Mais lorsqu’on cherche à remettre en cause l’économie, la sociologie, la politique en un essai, il serait bon, pour des raisons évidentes de crédibilité, de se backer un peu, juste au cas où... Cela dit, le tout est agréable à lire grâce à une verve incontestable... qui est aussi celle des pamphlétaires extrémistes, de Branco à Zemmour.


Malgré donc les défauts rédhibitoires de “La Rage et l’Orgueil” (légèreté dans la démonstration, xénophobie caractérisée), je n’en regrette pas pour autant la lecture car il est toujours bon de se rappeler jusqu’où il est possible d’aller, quand on va un peu trop loin...

Nicolas_Zaural
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le 15 juil. 2020

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