Avant de m'atteler à ma critique, je lis l'avant-propos de la pièce, par son auteur, et constate que cette pièce a été écrite en 1942. Ce qui recontextualise tout pour moi, et explique le pessimisme et la noirceur des personnages et de l'intrigue.

Ferrante est roi du Portugal. Son fils, Pedro, qu'il n'aime plus, n'a pas la carrure pour lui succéder. Ferrante s'occupe donc de laisser le royaume entre de bonnes mains et veut marier son fils à l'Infante de Navarre, femme de caractère qui pourrait faire un souverain convenable. Seulement Pedro aime Ines et met cette femme et son amour entre lui et le pouvoir, lui et son père, lui et le monde.

La pièce est une confrontation constante entre l'amour, et la haine, l'espérance, et le désespoir, l'admiration et le mépris. Tout n'y est que manipulation, tous les sentiments, bons ou mauvais, sont utilisés, détournés, pour arriver à sa fin. Le titre même de la pièce, La Reine Morte, inscrit la dramaturgie dans une noirceur inextricable, un rouleau compresseur impitoyable où l'on regarde les personnages courir à leur perte.

Peut-on prendre une seule parole pour argent comptant ici? L'amour entre Pedro et Ines est réel, puissant, mais Ines dira à Pedro qu'elle sacrifierait leur enfant à venir pour vivre dans ses bras, et au roi qu'elle tuerait pour son fils, et jusque son fils même si il prend un chemin qui ne lui convient pas, et ce, après avoir dit au même roi quelques scènes plus tôt qu'elle ne pouvait comprendre ce qu'il reprochait à son fils, et comment on pouvait désavouer un fils.

C'est un texte dur, cruel, passionné, tragique, qui ne prend pas de détours et s'appuie fermement sur l'atmosphère dans laquelle il a été écrit. C'est beau, c'est touchant, et ça faisait bien longtemps qu'une découverte théatrale ne m'avait tant plu.
EIA
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le 28 oct. 2013

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EIA

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