Sur La Route de Cormac McCarthy, point de salut, peu d'espoir, une fuite de tous les instants, vers quoi ? On ne sait pas. Le monde est dévasté, il n'y a plus de lumière, plus de végétation, rien que de la cendre, des morts et quelques survivants. Un père et son fils sur la route cheminent poussant un caddie rempli de leurs maigres possessions tel un escargot portant sa coquille. Le froid, la faim, la peur sont leur quotidien.
Il y a longtemps, j'ai lu deux autres bouquins de cet auteur, De si jolis chevaux et Le Grand Passage. J'avais été fortement déroutée par le style si particulier de l'auteur : cette manie de mettre plusieurs "et" dans une même phrase, la quasi absence de virgules et l'absence de tirets pour marquer les dialogues. On retrouve le même ici, en plus épuré.
Si le style est épuré, le contenu l'est aussi. Le père et le fils n'ont pas de nom. Ils sont "l'homme" et le "petit". On ne sait pas précisément ce qu'il s'est passé, quelle était leur vie avant la catastrophe, où ils sont, où ils vont précisément, quand l'histoire se passe-t-elle par rapport à la catastrophe et par rapport à un calendrier quelconque, le pourquoi de cette fuite vers nulle part semble nous échapper aussi. Le lecteur est laissé à son propre désespoir, tout seul sur le bord de la route. Il faut se débrouiller avec ses propres théories et recoller les morceaux avec les bribes d'information que l'auteur veut bien nous donner.
Ce qu'il reste c'est un tapis de cendres et une force qui les pousse à reste humains malgré la folie barbare qui se déchaine autour d'eux. Eux, ils sont les "gentils". Quant à l'enfant, de l'avis de son père, il "porte le feu". Prométhée de l'Apocalypse, né avec elle, il représente le seul espoir d'une humanité en perdition, qui paradoxalement se mange elle-même pour survivre. Il porte la flamme de l'innocence et de la transmission, dans un monde où Dieu n'existe plus.
Au-delà des larmes dans lesquelles je me suis noyée en terminant le livre, il me reste une putain d'impression de parcours initiatique sur la condition humaine et des questions sur l'avenir de cette condition. Que peut-on espérer de l'humanité ? Quel sens donner à ce que nous accomplissons, en bien ou en mal ? Quel est la place de l'Homme dans l'ordre des choses ?
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