La Sans-visage
7.8
La Sans-visage

livre de Louise Mey (2020)

Un angle original pour traiter du harcèlement

Clara est contente de retrouver sa meilleure amie qu’elle voit moins depuis un an, depuis que celle-ci a changé de collège. Pour passer du temps avec elle Clara a accepté de participer à une colonie sportive et a même fait du baby-sitting pour pouvoir se la payer. Mais le sport ça n’est pas du tout son truc et elle aurait préféré des vacances chez sa grand-mère avec Aïssa pour elle toute seule.
Rapidement deux groupes se forment dans la colonie, celui des sportifs casse-cous et les autres…
Aïssa et Clara passent moins de temps ensemble car elles ne se retrouvent pas dans le même groupe. Clara se rend compte qu’elles ont de plus en plus de divergences, elle râle souvent, est jalouse, supporte difficilement le groupe alors qu’Aïssa est toujours partante, aime se dépasser et se montre très ouverte aux autres. Mais lors de la 2e semaine de colonie une jeune fille disparaît...
Rapidement, dès le départ du train en fait, cette jeune fille seule est devenue le souffre douleur de quelques garçons. Mais même s’ils partent ensuite avec d’autres moniteurs, trois garçons et trois filles de son groupe à elle prennent immédiatement le relais. Une fille en particulier, Lila, se moque méchamment d’Éléonore, en venant même à la maltraiter physiquement. Mais au final tout le monde suit plus ou moins et rares sont ceux qui prennent sa défense. Beaucoup reprennent le surnom donné sans même s’en rendre compte et acceptent que l’anormal devienne normal. Un des moniteurs est un peu gamin, très laxiste, du genre à ne pas suivre le programme et à encourager la création d’un groupe séparé de têtes brûlées. L’autre monitrice essaie d’assurer seule mais ça n’est pas évident et elle ne peut voir l’œil partout. Une situation assez « pourrie » s’installe donc, avec de comportements anormaux mais même plus vraiment relevés par l’ensemble du groupe. Tout le monde a vu, mais personne n’a agi. Clara est jalouse, elle a dû mal à supporter de perdre l’entière attention de sa meilleure copine, de devoir la partager alors qu’elles se voient si peu et voit donc d’un très mauvais œil chaque tentative de rapprochement entre Éléonore et Aïssa. Cette dernière ose s’interposer entre les tortionnaires et leur victime, mais elle ne le fait pas systématiquement et ne voit pas tout non plus.
L’histoire est construite en flash-backs, il y a de nombreux aller-retours entre le moment où Éléonore disparaît marquant le début d’une enquête de la gendarmerie et le déroulé de la colonie depuis le début. C’est habilement construit et un vrai suspense s’installe. Le personnage de Clara, qui est la narratrice, est très intéressant car ambivalent. On partage ses sentiments, que ce soit la colère, la jalousie ou les pensées pas très charitables qui lui font honte. On sent aussi qu’il y a un loup, un truc en plus qu’elle cache et qu’on découvrira vers la fin du récit. Quant à Éléonore elle semble rentrer en elle-même quand on lui dit ou fait des méchancetés, et elle adopte dès lors un visage lisse où plus rien ne se lit ; d’où le titre.
Une lecture nécessaire, où le mécanisme du harcèlement est traité sous un angle original.


Dès 12 ans.
Récit de vie.
Thèmes : harcèlement, amitié, collège, enquête


Sandra


Clara et Aïssa partent en camp d’été dans une ferme à la campagne. Depuis qu’elles ont changé de collège, les deux amies ne se voient plus… Clara est une ado possessive et exclusive avec sa meilleure amie. Aïssa au contraire est tournée vers les autres, juste et authentique.


La vie du camp s’organise autour des activités sportives encadrées par Tara et Jonathan. Les ados se jaugent, les groupes se forment par affinité ou par intérêt. Page après page, deux personnages se détachent nettement du groupe : Lila, petite midinette superficielle à la verve acide, entourée de sa cour et Eléonore, discrète, qui s’efface derrière son surpoids. Rapidement se met en place un rapport d’oppression de la première sur la seconde : insultes, coups, mesquineries s’installent dans le quotidien d’Eléonore, dans l’indifférence générale. Elle devient Babar, la grosse, celle dont on se moque à table ou que l’on pousse « sans faire exprès ».


Aïssa s’indigne devant l’injustice des scènes de harcèlement que subit Eléonore et n’hésite pas à s’opposer à Lila. Clara quant à elle se contente de rester le témoin distant des moqueries du groupe et des défaillances des animateurs qui ne perçoivent pas la spirale qui emporte déjà Eléonore. Mais qui mieux que Clara peut comprendre l’enfer que vit la jeune fille ?


Jour après jour, Eléonore se vide de son élan de vie et devient « la sans visage ». Le silence collectif résonne bientôt comme une complicité. Clara et le reste du camp ferment les yeux et les oreilles jusqu’au jour où Eléonore disparaît pour de bon.


Quand la gendarmerie commence à mener l’enquête, les lignes bougent et les langues se délient.


Le roman est écrit à la première personne, et offre le point de vue de Clara sur les évènements.


L’écriture est simple, sans grand relief (personnellement je me suis un peu ennuyée), mais les rapports de soumission et d’oppression sont bien dépeints et peuvent provoquer un sentiment de révolte intérieure chez le spectateur. Le climat de tension et d’enfermement, la colère rentrée, le silence soumis, la complicité passive de chacun crée un malaise grandissant qui sert très bien le propos du livre.


Un thriller intéressant, dynamisé par une révélation du côté du personnage de Clara qui permet de comprendre le regard quel porte sur les évènements. Cependant la fin reste décevante et donne un bilan plutôt moyen pour l’ensemble.


Sujet : harcèlement, vivre ensemble, société.
Age : 12 ans


Lissy

EchoDuChaudron
7
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Créée

le 15 déc. 2020

Critique lue 119 fois

EchoDuChaudron

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