L'auteur du livre, Hugues le Bret, est un ancien de la direction de la Société Générale à l'époque de l'affaire Kiervel. Et son boulot, c'était la communication de la banque, tant en interne qu'en externe.

Ce livre se lit d'une traite, de part la gravité du sujet qu'il aborde et son écriture, parfaitement maitrisée, factuelle, tombant rarement dans le pathos miévreux (un peu quand même).

En tant que membre de la direction d'alors, Hugues le Bret est aux premières loges de l'action. Il nous raconte, comme il l'a vécu, jour par jour, heure par heure, la découverte de la fraude de Kerviel, sa dangerosité potentielle capable de faire s'effondrer totalement la Société Générale, et par corollaire l'ensemble du système financier mondial, le travail abattu pour éviter une telle crise, puis, enfin, la gestion médiatique globale.

En tant que partie prenante, il est évident que l'auteur laisse le lecteur face à un choix : croire à l'innocence de la SG ou pas ? Il faut partir du postulat que Kerviel est un fraudeur irresponsable qui se prenait pour un petit génie.

Si la première partie du livre, évoquant la fin potentielle du système bancaire est intense et fait froid dans le dos, la suite est tout aussi passionnante : elle pointe l'irresponsabilité des médias et des politiques. Les médias qui rejettent d'emblée l'explication de la SG et font de Kerviel une victime, préférant donner la parole à des rumeurs alors que les faits présentés par la SG sont tous contrôlés et validés par l'Autorité Financière des Marchés. Les politiques, Nicolas Sarkozy avant tout, qui préfèrent s'emparer de cette affaire pour faire de la politique politicienne plutôt que d'aider au redressement d'un fleuron de la banque française.

On ressort de ce livre avec des sentiments ambivalents. La subjectivité de l'auteur est totale. En tant que professionnel de la communication, il sait parfaitement rendre la SG sympathique dans cette affaire, et faire de Sarkozy un irresponsable, de la BNP des requins sans scrupules, des médias des quasi criminels d'être à ce point à charge. A ces yeux, la SG a été exemplaire, un peu trop peut être.

Pourtant le ton d'Hugues le Bret sonne juste, mais si ce qu'il raconte est vrai, c'est tout simplement terrifiant. Ce qui est arrivé à la SG peut arriver à une autre banque, et seule son excellente santé lui a permis de ne pas s'écrouler. Si elle s'était écroulée, l'onde de choc aurait était bien plus importante que la faillite de Lehman Brothers quelques mois plus tard (avec les conséquences qu'on connait).

On est ensuite estomaqués de lire à quel point le jeu des médias pour manipuler l'opinion est constant (dans un sens comme dans l'autre), on comprend mieux pourquoi cette affaire semblait confuse dès le départ du brouhaha général.

Enfin, on est attristés de découvrir la mesquinerie de nos dirigeants comme de l'opposition, qui n'ont pas voulu comprendre le danger et ont préféré taper avant de réfléchir.

Mais la leçon principale de ce livre, c'est que, malgré la simplicité du style d'Hugues le Bret, on ne comprend rien à l'affaire en tant que telle, à la fraude de Kerviel. On se rend compte à quel point les mécanismes de l'industrie financière est à des années lumières de notre compréhension. Moi qui pensait personnellement avoir des bases solides en économie, j'ai l'impression de découvrir une industrie construite sur du vide, qui n'arrive pas à justifier son existence et qui pourtant brasse des milliards de milliards, quotidiennement, et ce supposément pour financer l'économie réelle.

A lire absolument en tout cas. Pour se faire une opinion sur l'affaire, en contrepoint de la tendance générale, et se rendre compte de la fragilité du capitalisme de nos jours.
Hypérion
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le 12 sept. 2011

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