Toutes les bonnes histoires ont un commencement : La Sève et le Givre est l’histoire des premiers pas d’Angharad. C’est aussi le premier roman de Léa Silhol, qui marque les débuts romanesques d’une auteure remarquable, déjà auréolée par le succès d’estime de son premier recueil Contes de la Tisseuse, réédité depuis dans une version remaniée sous le titre La Tisseuse, Contes de fées, contes de failles.
Initialement paru chez L’Oxymore, la maison d’édition fondée par Léa Silhol, La Sève et le Givre a paru au catalogue France Loisirs, avant d’être réédité en format poche chez Points. Il s’agit d’ailleurs du seul ouvrage édité par L’Oxymore à avoir été réédité en format poche et à pouvoir être ainsi encore disponible sur les rayons des librairies.
Pourtant, il ne s’agit pas de l’œuvre la plus facile de l’auteure. On s’attache difficilement aux personnages dont le comportement n’est pas toujours évident à comprendre — il est vrai qu’aucun d’eux n’est humain — et les enjeux de l’intrigue peuvent paraître vains : les Parques essaient de piéger Finstern, Monarque de Dorcha, la 9ème Cour d’Ombre, parce qu’aucune d’elles n’est parvenue à se faire aimer de lui. Elles président donc à la naissance d’un être impossible, Angharad, dont le destin sera de perdre Finstern. Mais Angharad fera tout pour s’émanciper du Destin.
L’intérêt du roman réside surtout dans l’introduction de ce personnage de femme déterminée à rester libre jusqu’au bout et à faire fi de toutes les chaînes qu’on voudrait lui imposer. C’est aussi l’occasion de dépeindre le Royaume féerique comme un espace de simulacres et de jeux vains et puérils que les héros finiront par renier. La fin du récit est, du reste, presque aussi étrange que les dernières pages de La Peau de Chagrin de Balzac. Le narrateur — qui n’est pas n’importe qui puisqu’il s’agit d’Ossian, le fils du héros irlandais Finn Mac Cool — demeure extrêmement vague concernant le devenir des personnages dont on ne sait ni s’ils sont parvenus à se retrouver, ni s’ils sont toujours en vie.
Dans l’ensemble, La Sève et le Givre est un roman intéressant, un conte ne cachant rien de la cruauté et de l’amoralité des fées, servi par un style inimitable valant à lui tout seul le coup d’œil, mais qui pourra laisser froids certains lecteurs. Pour une introduction à l’univers de Léa Silhol, mieux vaut commencer par La Tisseuse ou par Musiques de la Frontière avant d’entamer ce roman difficile, d’autant que tous les textes de Léa Silhol (ou presque) sont liés.

Jessalynn_ImFin
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le 31 janv. 2014

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Jessalynn_ImFin

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