Un sacré tour de main stylistique et conceptuel...

La tour de Babylone, ce recueil de huit nouvelles rédigées par Ted Chiang, m'attendait depuis près de 10 années sur ma pile à lire, une véritable tour de Babylone celle-là aussi.

Ayant adoré l'adaptation de Denis Villeneuve sur grand écran de la nouvelle l'histoire de ta vie, intitulée Premier contact au cinéma, je demeurais partagé entre l'attente fébrile de la lecture et l'inquiétude d'être déçu.

Il n'en a rien été.

La première nouvelle qui porte le titre du recueil est une très belle immersion dans les textes fondateurs de la religion monothéiste occidentale. Avec la tour de Babylone, c'est une ascension vertigineuse qui se conclut un peu à la façon de la horde du Contrevent. C'est puissant.

J'ai ensuite été littéralement subjugué par Comprends, un récit sur la progression exponentielle de l'intelligence d'un être humain et les perceptions qui en découlent. Une véritable claque cérébrale !

Division par zéro est vraiment plaisante mais sera sans nul doute encore plus savourée par des lecteurs de formations scientifiques. On sent d'ailleurs chez l'auteur dans la plupart de ces nouvelles une grosse culture scientifique.

L'histoire de ta vie est un récit extrêmement émouvant en lein avec la venue d'extra-terrestre sur notre planète. Elle m'a bouleversé.

Soixante douze lettres évoque la création de golems, être de matière inerte qui se meuvent grâce à l'exploration puis l'utilisation de l'herméneutique. Encore une nouvelle cérébrale qui m'a ravi dans un univers steampunk.

L'évolution de la science humaine est intéressant mais diablement trop court. Un peu frustrant donc.

Une question théologique se pose dans L'Enfer, quand Dieu n'est pas présent. Le point de vue de l'auteur qui effectue un pas de côté dans nos représentations habituelles s'avère véritablement rafraichissant.

Ce recueil trouve son épilogue avec Aimer ce que l'on voit : un documentaire. Un récit sur l'importance de l'aspect de notre enveloppe corporelle dans nos relations sociales. Troublant et tellement juste.

Ce qui frappe avec Ted Chiang, c'est la force de ses mots qui embarquent le lecteur dans les univers qu'il crée. En peu de ligne, le lien est tissé, la trame se déroule et la puissance de ses idées se développe.

S'il parvenait à écrire un roman entier avec un plume pareille, ce serait un tsunami littéraire. En attendant l'hypothétique survenue d'un tel objet, on peut savourer ces huit incroyables nouvelles qui, en fonction des appétences de chacun, trouveront plus ou moins d'écho selon le thème abordé.