Ce bouquin aura été ma première lecture de 2013 et je ne suis pas déçue. Bien sûr, on peut être au départ effrayé par les 600 et quelques pages, se demandant si, vraiment, cette irrésistible envie de tourner les pages sera présente jusqu’à la toute dernière. Réponse? OUI. On ne se rend même pas compte du petit bijou qu’on tient entre les mains, de la perle de la littérature et de l’innovant style littéraire qu’a créé ce génie, ce Monsieur Dicker. Il le dit si bien :

Un bon livre, Marcus, est un livre qu’on regrette d’avoir terminé.
Et vous regretterez de l’avoir si rapidement terminé, car, croyez-moi, vous n’aurez aucun mal à poursuivre votre alléchante lecture. Mais reprenons les choses depuis le début.

Marcus Goldman, jeune écrivain qui a récemment connu un succès incroyable à la sortie de son premier roman, se retrouve face à la page blanche, en panne d’idées, apeuré, souffrant de la “maladie de l’écrivain”. Il se tourne alors vers son maître et ami, Harry Quebert et décide de se réfugier dans sa demeure d’Aurora pour retrouver l’inspiration. Oui, mais voilà, Aurora n’est pas la petite ville paisible du New Hampshire que Marcus pensait retrouver. Du moins, elle ne l’est bientôt plus. Car très vite, le respectable Monsieur Quebert est arrêté pour le meurtre de la jeune Nola Kellergan ayant eu lieu plus de trente ans auparavant. Tout porte à croire que Harry est coupable puisque le corps de la fillette de 15 ans a été retrouvé dans son jardin. Mais Marcus, entêté et persuadé que son ami est innocent, décide de mener son enquête.

A la lecture du synopsis, on s’attend à une enquête policière agrémentée de quelques passages romantiques, dépourvue de réalisme et d’authenticité et pourtant, c’est tout l’inverse. Le point fort de ce bouquin, c’est justement le réalisme et la démonstration que l’erreur est humaine, même pour les personnages d’un livre.

Le premier point fort à mettre en exergue est sans doute le suspense. Joël Dicker maîtrise les rebondissements de dernière minute et les révélations douteuses qui retiennent l’attention du lecteur jusqu’à la fin. Il n’y a pas moyen de s’ennuyer, pas moyen de se dire que l’histoire est sur le point d’être bouclée car le récit est truffé de tellement d’indices (vrais ou faux) que tout est sans cesse remis en question et que la boucle prend beaucoup plus de temps à se boucler, pour le plus grand plaisir du lecteur. Non, ce n’est pas une enquête policière digne d’un énième épisode des Experts de New-York, Paris ou Tokyo; non, un petit bout de tissu ne permet pas aux agents de police de remonter en moins de 24 heures jusqu’au meurtrier; non, rien n’est aussi évident et facile. Ici, tout semble habilement mis en scène, les questionnements se multiplient et ne trouvent leur réponse que plus tard, chaque parcelle d’indice à son importance et puis, à la fin, on se retrouve avec cette boucle magistralement bouclée, déçu d’avoir déjà terminé.

La seconde force du roman réside dans sa construction habile. Les flash-backs, les chapitres illustrant les 31 conseils de Harry à Marcus - une innovante manière de mettre en scène son récit - , les témoignages et la pression de l’éditeur de Marcus, rendent à cette enquête policière, à ce polar, un aspect réaliste troublant, un portrait amusant quoique détestable du marketing dans toute sa splendeur. Sans oublier le fait que ce soit un livre sur un livre dans un livre, bref, une véritable innovation littéraire.

Partagé entre histoire d’amour et polar, le roman de Joël Dicker explore bien d’autres domaines.

L’écriture et la littérature, formant un monde commercial autant que passionnant, selon que vous ayez le stylo en main ou que vous rédigiez le contrat.
L’amour et ses hasards, parce qu’il est bien connu qu’on ne choisit pas de qui on tombe amoureux.
La société et les médias, car le second influence fortement la première et manipule l’information de manière à créer dans l’opinion publique une réaction déterminée.
L’amitié. La véritable amitié dans toute sa splendeur.
Les secrets qu’on garde enfouis au plus profond de nous, parce que malgré tout, nous sommes des fichus individualistes.
Ce bouquin inclassable et atypique est clairement la découverte littéraire que j’attendais depuis longtemps, sans même le savoir. C’est nouveau, simple et prétentieux à la fois (il en faut, du culot, pour annoncer avant même le début de son second chapitre qu’il sera “incisif, percutant”, “comme à la boxe, une droite dans la mâchoire de vos lecteurs”), c’est addictif et envoûtant, c’est drôle, touchant, triste et adorable, vous décrocherez un sourire, laisserez entendre un rire, et verserez peut-être même une larme tant certains passages sont d’une sincérité rare, et tant on s’attache facilement aux nombreux personnages et à leur caractère propre.

Alors bien sûr, certains reprocheront la simplicité des dialogues et le romantisme “à deux balles” réduisant une histoire d’amour tabou à une petite amourette d’été gentille. Eh bien, justement, je crois que nous avons été trop habitués aux amours fougueux et brûlants, qui vous transpercent l’âme et vous font brûler de désiiiiiiir. Bien sûr, l’amour est ici un tabou, une honte que la société n’ose même plus nommer. Bien sûr, ça gène, on est mal à l’aise, ce n’est pas “normal”, ni “habituel”, et peut-être certains diront même que ce n’est pas “possible”. Comment pouvons-nous le savoir si nous ne l’avons pas vécu ? Tout est possible. Et puis entre nous, est-il plus probable de vivre une histoire d’amour inhabituelle qu’on doit garder secrète ou une histoire brûlante d’ardeurs et de romantisme nourri par un vocabulaire cru et détaillé ? Voilà. Pourquoi fallait-il que Joël Dicker tombe dans le romantisme sexuel, dans un amour explicite, vous faisant dresser les poils des bras et envier chaque détail de romance ? N’est-il pas mieux que cet amour, nous le comprenions comme les gens d’Aurora ou de l’Amérique peinte dans ce bouquin l’ont compris ?

Vous arrivez à la fin de cette critique et il vous reste le temps de vous précipiter vers la première librairie pour adopter votre nouveau coup de coeur, “La vérité sur l’Affaire Harry Quebert”, par le talentueux Joël Dicker.
Nizzle
10
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le 31 janv. 2013

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Nizzle

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