Dans une Allemagne épuisée, restée bien des années durant sous le III Reich, où le peuple allemand tenta sans cesse d’ « oublier » son passé et de remettre toute la responsabilité des crimes perpétrés sur le dos du ‘Führer’, Dürrenmatt disait alors du théâtre que « la catharsis au théâtre ne peut être possible, car qui porte la faute? » Comment peut on écrire du théâtre dans un contexte où personne ne reconnaît ses faits ?
L’auteur a traité avec beaucoup de franchise et une bonne pointe d’humour la question; nous assistons à une montée vertigineuse d’un « État de droit », dictée par une vieille milliardaire revenue à Güllen, sa ville natale, où tout le monde peine à se nourrir. Elle souhaite se venger de l’épicier , Alfred Ill, qui n’a pas voulu reconnaître la paternité de son enfant, 50 ans plus tôt. Elle offrira un milliard à la ville si Alfred meurt.
Au début, tout le monde est consterné et refuse, les hommes importants les premiers (le maire, le policier, le pasteur…des hommes-institutions finalement ) mais cela va très vite changer et Ill sent son assassinat se préparer. Avec des didascalies très détaillées, nous comprenons alors que lorsque le plateau sera dans l’obscurité, tout le monde entourera Ill et lorsque la lumière sera rétablie, il jaillira sur le sol. Mais à qui la faute ? A celle qui a ordonné le meurtre mais qui n’était pas la au moment de l’acte, ou à tous ceux qui y ont contribué ? « A bon entendeur » aurait pu dire Dürrenmatt…