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Est-il encore nécessaire de présenter Martin Amis, l’écrivain britannique lui-même fils d’écrivain, qui compte aujourd’hui parmi les auteurs de la couronne les plus réputés ? La plume grinçante et satirique d’Amis nous revient en France chez Calmann-Lévy à l’occasion de la rentrée littéraire (Antoine Gallimard, son éditeur historique, ayant refusé d’en acquérir les droits), dans une comédie détonnante se déroulant pendant la Shoah orchestrée par les nazis lors de la seconde guerre mondiale, époque dans laquelle l’auteur s’était déjà aventuré en 1991 dans La flèche du temps où il racontait dans un procédé de narration original la vie d’un médecin nazi.


Alors peut-on rire de tout, en littérature ? Réponse en lisant La Zone d’intérêt…


L’histoire se lit comme une pièce de théâtre, un vaudeville de camp de concentration réunissant Paul Doll, commandant du camp de concentration, alcoolique et obsédé, Hannah son épouse, belle et rebelle, et Angelus Thomsen, un officier de liaison SS qu’on nous dit maniéré, mais qui tombe éperduement amoureux de la femme du commandant.


Autour d’eux ? La mort, évidemment. L’abominable machine de destruction nazie tourne à plein régime, les trains se succèdent, les cadavres deviennent une problématique sanitaire : l’odeur des charniers rend l’air irrespirable et contamine l’eau. Pour les prisonniers encore en vie, c’est le travail forcé pour les industriels allemand, l’ultime effort de guerre, jusqu’à ce que leur cadavre rejoigne les nombreux autres qui attendent d’être réduits en cendre.


Au loin, les échos du front Russe, qui ne trompent personne sur le déclin de ce Troisième Reich qui devait durer mille ans, et qui n’en tiendra même pas dix. Dans cette ambiance cernée de tristesse, cette machine de mort, Thomsen courtisera Hannah sous les yeux fous de jalousie de Doll, lui-même pas très fidèle, et bien décidé à se débarasser de son épouse trop libertine…


Martin Amis signe avec La Zone d’intérêt un roman brillant, une comédie amère, cynique, dont l’effroi historique sert de décors irréaliste à une histoire aussi louffoque que ridicule, mais qu’on dévore avec un étrange plaisir, celui de découvrir un peu d’amour et de légèreté dans cette époque de destruction. Un très bon roman, à lire avec beaucoup de recul !

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le 28 sept. 2015

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Brice B

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