Pas un mauvais polar mais pas un bon roman de SF non plus

Dans cet univers alternatif, les USA ont voté en 1940 la loi autorisant les Juifs persécutés en Europe à s’établir à Sitka en Alaska. Le statut de District Fédéral leur a été accordé pour une durée de 60 ans, et le roman débute quelques mois avant la rétrocession aux USA de ce territoire, ce qui obligera de nombreux Juifs à quitter le territoire américain. C’est dans ce cadre que le lecteur va suivre l’inspecteur Meyer Landsman dans son enquête sur le meurtre d’un junkie qui logeait dans le même hôtel que lui. Avec son coéquipier et cousin à moitié Indien Berko Shemets, il va découvrir que la victime est n’est autre que le fils d’un des plus dangereux patrons de la pègre de Sitka, et qu’il était considéré par beaucoup de Juifs comme le Messie qui naît une fois par génération. Il va également constater que son ex-femme Bina est revenue à Sitka, et qu’elle est désormais sa supérieure hiérarchique. Au fil de leur enquête, les inspecteurs dévoilent une organisation secrète, des appuis haut placés, et un complot qui pourrait bien changer la face du monde…


Le club des policiers yiddish est avant tout un bon polar : le rythme est soutenu et va crescendo, aucun des personnages ne tombe dans la caricature, et le récit proprement dit tient le lecteur en haleine. On a beaucoup de mal à lâcher le livre dans les derniers chapitres, ce qui est toujours bon signe. On regrettera cependant que l’auteur se soit senti obligé de nous infliger à peu près tous les passages obligés du polar : le flic solitaire, alcoolique, désabusé et aigri, humilié par ses collègues, par ses supérieurs et par les témoins, mais qui va quand même tout faire pour résoudre cette affaire parce que ça pourrait bien être sa dernière. Le temps maussade, froid et pluvieux. L’enquête qui est contrariée par ce qui semble être des appuis haut placés. Un mystérieux complot dirigé depuis les plus hautes sphères de la société. Le dénouement à rebondissements. La rédemption finale du héros maudit. Et bien sûr ce qui semble être une obligation contractuelle pour tout polar qui se respecte : la description systématique et exhaustive de toutes les tenues portées par chacun des protagonistes. Rien de bien original dans cette enquête policière donc, à l’exception du cadre uchronique sur lequel elle se déploie.


Malheureusement, cette uchronie n’est finalement que très peu exploitée. On comprend vaguement au détour d’une phrase que la Seconde Guerre mondiale s’est terminée de manière légèrement différente, ou que JFK a épousé Marilyn Monroe. Mais jamais l’auteur ne développe cet aspect du roman, et il se borne à en faire une toile de fond un peu pittoresque. Du coup, si Le club des policiers yiddish est un bon polar, il n’en est pas pour autant un bon roman de SF.


Le récit est également parsemé de termes d’argot yiddish, ce qui nécessite l’ajout d’un lexique que le lecteur devra régulièrement consulter. Cela augmente l’aspect exotique du récit mais, comme pour le reste, on a l’impression d’un habillage superficiel destiné à donner un cachet d’originalité à un récit qui en manque en réalité cruellement.


Prix Hugo et Nebula 2008, Le club des policiers yiddish est un bon polar, somme toute très conventionnel, recouvert d’une couche de vernis uchronique à l’intérêt très discutable. Une lecture agréable, ni plus ni moins.


https://olidupsite.wordpress.com/2017/10/28/le-club-des-policiers-yiddish-michael-chabon/

OliDup
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le 13 mars 2022

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