Parce qu’elle a entendu et retenu des secrets inavouables, Maya se retrouve dans le coffre d’une voiture, avec deux parpaings et une chaîne aux solides maillons. De quoi se débarrasser d’un cadavre encombrant dans les marais et faire la joie d’un alligator. Pourtant, la jeune prostituée échappe à son destin, brûlant la politesse aux deux malabars qui devaient l’exécuter. L’un d’entre-eux finit d’ailleurs mal, ses restes jetés en pâture aux fourmis rouges. Car, en la traquant, il a violé la propriété de Leonard Moye, un marginal ne tolérant pas qu’on pénètre chez lui, surtout pour y tuer une femme. Adopté par le reclus, Maya découvre un univers gardé par une armée d’épouvantails et une ribambelle de chats, avec pour seule compagnie un mannequin de couture habillé d’une robe du dimanche. Mais Mexico, la brute épaisse lui servant de souteneur et maître ne l’entend pas de cette oreille, d’autant plus qu’il est en affaire avec le maire et le Cartel.



« On racontait qu’il avait un jour coupé son whiskey avec du sirop
d’ipéca pour le vendre à tous ses débiteurs, événement relaté par la
grand-mère de Ronelle comme la nuit où le vomi a coulé à flots dans
les rues de Trickum. Leonard, disait-on n’avait plus débiteurs. »



Retour aux États-Unis, au fin fond de la Géorgie du Sud, dans les coulisses de l’American Way of Life. Avec Dernier appel pour les vivants, Peter Farris nous avait décrit une Amérique en proie à la déprise, peuplée de pauvres types obligés de travailler dur pour survivre dans un climat de désespérance généralisé. Une nation confrontée à ses démons, violence latente, alcoolisme, racisme et criminalité. Le Diable en personne renoue avec ce paysage social, déroulant une intrigue classique oscillant entre thriller et roman noir.


Peter Farris oppose ici deux mondes et deux types de criminalité. D’abord celle prévalant en ville, dominée par les gangs violents, la collusion entre les organisations criminelles et les politiques accros au sexe et à la drogue. Une criminalité contemporaine d’hommes d’affaires, sans état d’âme, où les ressources humaines sont gérées à grand renfort de menaces et de tueries. A cet univers, l’auteur américain oppose une criminalité relevant plus de la tradition, voire du folklore, celle au charme légèrement suranné des gagne-petits, bootleggers roublards jouant à cache-cache avec la police.


Il relève son récit d’une touche insolite, mettant en scène la rencontre improbable entre une fille perdue, travailleuse du sexe réduite en esclavage, et un vieil original, solitaire et travaillé par la misanthropie. D’aucun diraient un plouc, mais conformément au dicton qui dit qu’il faut se méfier des apparences, le bougre réserve quelques surprises aux agresseurs de Maya.


De cette rencontre découle une histoire attachante et sans chichis, s’amusant des codes du roman noir avec une certaine maîtrise et un plaisir manifeste, Peter Farris ne s’interdisant pas un happy-end qui évite heureusement l’écueil de la nunucherie. Bref, voici de quoi passer un bon moment en mauvaise compagnie.


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leleul
8
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le 21 avr. 2018

Critique lue 188 fois

leleul

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