Ouvrir un livre comme "Le festin nu" c'est renoncer automatiquement à toute forme de récit classique et linéaire, c'est accepter l'inacceptable, c'est plonger dans un univers fantasmagorique où nagent les différentes personnalités de l'auteur, un monde aussi angoissant que fascinant à mi-chemin entre Kafka et "Les voyages de Gulliver" de Swift.

Expulsé de la caboche et des tripes d'un Burroughs sous acide, complètement défoncé à tout ce qui se sniffe, s'avale ou s'injecte, puis rapiécé, recousu, restructuré par ses potes Kerouac et Ginsberg, "Le festin nu", paru à Paris en 1959 et aux USA en 62 avant d'être purement et simplement interdit, est une oeuvre inclassable, un délire abscons et impossible à résumer, le genre de bouquin qui te laisse tout pantelant sur ton canapé Ikea, des étoiles pleins les yeux... ou au contraire, avec une envie irrépressible de t'arracher les globes oculaires et de te les fourrer bien profond dans la boîte à chocolat.

Toujours est-il que cette sarabande de visions cauchemardesques et surréalistes, d'envolées scientifiques et de scénettes absurdes et dégueulasses ne peut laisser indifférente, satire déglinguée et à peine voilée des institutions de l'époque, société malade et purulente régie par des siphonnés de la calbasse et hantée par une humanité en état avancé de décomposition aussi bien physique que mentale, plongée sans retour dans le monde enchanteur de la drogue sous toutes ses formes et des pestiférés dans toute leur ignoble gloire.

Dément, déroutant, délirant, détonnant, décapant et plein d'autres mots commençant par la même lettre que la "défonce", "Le festin nu" est une oeuvre inclassable et extrêmement difficile à aborder mais qui mérite le détour, ne serais-ce que pour le talent incommensurable de Burroughs dont la prose, même traduite dans la langue de Molière, vaut bien tout le LSD du monde.
Gand-Alf
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Readin' is sexy., 365 days of words. et Je les lirai à mes enfants pour avoir la paix.

Créée

le 3 août 2014

Modifiée

le 3 août 2014

Critique lue 1.1K fois

17 j'aime

Gand-Alf

Écrit par

Critique lue 1.1K fois

17

D'autres avis sur Le Festin nu

Le Festin nu
hillson
8

Le voyage brut

Le Festin nu, ce n’est pas un livre qui se résume. Ni qui se raconte. Ce n’est même pas vraiment un roman. La seule chose qui soit vraiment sûre, c’est que le Festin nu est un livre. C’est un récit...

le 12 août 2013

20 j'aime

Le Festin nu
Gand-Alf
7

Pandemonium.

Ouvrir un livre comme "Le festin nu" c'est renoncer automatiquement à toute forme de récit classique et linéaire, c'est accepter l'inacceptable, c'est plonger dans un univers fantasmagorique où...

le 3 août 2014

17 j'aime

Le Festin nu
louisa
10

What else ?

Je suis restée scotchée par ce livre, certainement le meilleur que j'ai pu lire de Burroughs, récit halluciné mêlant thèmes autobiographiques et rêves schizophrènes, texte "sans filet" qui s'organise...

le 25 févr. 2011

17 j'aime

1

Du même critique

Gravity
Gand-Alf
9

Enter the void.

On ne va pas se mentir, "Gravity" n'est en aucun cas la petite révolution vendue par des pseudo-journalistes en quête désespérée de succès populaire et ne cherche de toute façon à aucun moment à...

le 27 oct. 2013

268 j'aime

36

Interstellar
Gand-Alf
9

Demande à la poussière.

Les comparaisons systématiques avec "2001" dès qu'un film se déroule dans l'espace ayant tendance à me pomper l'ozone, je ne citerais à aucun moment l'oeuvre intouchable de Stanley Kubrick, la...

le 16 nov. 2014

250 j'aime

14

Mad Max - Fury Road
Gand-Alf
10

De bruit et de fureur.

Il y a maintenant trente six ans, George Miller apportait un sacré vent de fraîcheur au sein de la série B avec une production aussi modeste que fracassante. Peu après, adoubé par Hollywood, le...

le 17 mai 2015

208 j'aime

20