Premier roman de Christian Guay-Poliquin, mais aussi premier d'une trilogie, Le fil des kilomètres est le récit en ligne droite de la traversée de part en part d'un pays (qui n'est pas nommé, bien qu'on devine le Canada), alors qu'une mystérieuse coupure d'électricité désorganise la société.
Avec une prose épurée - évoquant assurément celle de Jacques Poulin - l'auteur nous propose une sorte de Volkswagen blues à l'envers (pour mémoire, Volkswagen blues, c'est ce célèbre road novel québécois racontant la traversée de l'Amérique du Québec à la Californie sur fond de cours d'histoire) : ici, le parcours s'effectue d'Ouest en Est, grevé par une mémoire effacée, où le simple décompte des kilomètres parcourus remplace toute forme de géographie ou de toponymie. Dans ce véritable anti-pèlerinage, Guay-Poliquin décrit admirablement la monotonie des paysages tous semblables pendant des heures, sans pour autant ennuyer son lectorat. Sa capacité à raconter la route, pure et dure, sans rien autour, est un véritable tour de force qui nous fait aisément pardonner à l'auteur son écriture parfois peu précise et qui tend à abuser sensiblement des métaphores gratuites.
Toutefois, j'avoue ne pas avoir compris l'intérêt de "casser" le récit avec de courts textes (heureusement peu nombreux) faisant référence au mythe du labyrinthe tiré de la Grèce antique. En effet, j'ai eu l'impression d'une route singulièrement droite, et non de quelque chose de sinueux dans lequel le personnage se perdrait.
Par ailleurs, l'historiette avec la femme est un peu trop simplette, ce qui est dommage car un peu pénible, on se croirait dans les années 90...
D'autant plus qu'il est maladroit et incohérent de vouloir justifier le comportement de cette femme à la fin comme s'il s'agissait d'une potentielle vue de l'esprit.
Un premier roman avec ses qualités et ses défauts, mais somme toute très prometteur !