Ça avait pourtant si bien commencé.. ou Réflexion sur les traductions de titre de roman
Difficile de noter ce livre : je suis partagée. Comme le livre, d'ailleurs qui s'articule en deux, voire trois parties.
La première partie (qui a donné le titre français), raconte comment un virus échappé d'un labo militaire se répand et, en l'espace de quelques semaines, détruit 99,4% de la population mondiale. C'est magistralement raconté, que ce soit l'introduction des différents personnages, la progression de l'épidémie (qui m'a rappelé mes parties de Plague Inc), la réaction du gouvernement et des individus... C'est une partie qui mériterait un 9 ou un 10, c'est du grand Stephen King. Les personnages sont variés, approfondis (j'ai lu la version "Edition intégrale" il y a quelques chapitres en plus par rapport à la première version éditée) et très humains, avec leurs défauts, leurs mesquineries, leurs qualités, etc.
Par la suite, les quelques survivants de l'épidémie essaient de se regrouper et de reconstruire un semblant de civilisation dans une Amérique post-apocalyptique. Avec en arrière-plan une dimension mystique de plus en plus présente, façon affrontement du Bien et du Mal. Et c'est là que ça se gâte : les personnages, si approfondis dans la première partie, perdent peu à peu leur individualité. Ils ont toujours leurs caractéristiques propres, mais on perd ce qui fait à mon avis la force de l'écriture de Stephen King : le fait de vivre vraiment les personnages. On ne les voit plus que comme des pions pour la grande bataille à venir.
Et quand il a lieu, l'affrontement final ("The Stand", soit le titre anglais du livre) est à la fois décevant et déjà vu. On a droit à un remake post-apocalyptique du final du Retour du Roi, avec Randall Flagg dans le rôle de Sauron, dans un Las Vegas faisant office de Mordor, face au Gondor représenté par Boulder, Colorado (on a même les Rocheuses entre les deux, histoire de bien respecter l'analogie !). Des bandes d'orcs / loups arpentent la Terre du Milieu/les USA, Gollum/Nadine se jette dans la lave/du haut d'une fenêtre en emportant l'Anneau/le fils de Flagg. Pour vous dire à quel point c'est du copier-coller : on retrouve même l'Œil de Sauron qui lui permet de tout surveiller. Et bien sûr, à la fin, ça se finit par la grosse explosion de la Montagne du Destin qui fout en l'air Sauron, le Mordor et le reste des méchants.
Et le lecteur referme le bouquin en se disant : "WTF ?!" Parce que toute la dernière partie ne tient pas la route. Le méchant perd ses pouvoirs sans raison valable, le sacrifice final qui était plus important que tout le reste ne sert finalement à rien du tout, etc... Autant relire Tolkien, c'était vachement mieux !
Donc, en résumé : "Le Fléau" est excellent, "The Stand" est sans intérêt.
Oh et puis, un dernier coup de gueule pour la fin : le monde ne se résume pas aux Etats-Unis, bordel ! Que le gouvernement américain essaye de dissimuler la gravité de l'épidémie à la population, d'accord, mais rien ne prouve que les autres gouvernements vont adopter la même stratégie. Et il suffit d'un seul pour dévoiler la vérité.
Et puis cette manie de "on va chanter l'hymne américain, c'est super émouvant parce qu'on est soudés malgré ce qui est arrivé à notre pays". Putain, c'est pas votre pays qui a été détruit, bandes de crétins égocentriques, c'est l'Humanité toute entière ! Mais non, à chaque fois, c'est "on va recréer l'Amérique". L'Amérique, l'Amérique, l'Amérique... Rhâââ !