Des pensées pas maladroites mais des façons bien gauches

Étant quelqu'un de rigoureux et honnête, contrairement à l'auteur dont je vais faire ci-après la critique, je précise d'emblée que je n'ai pas lu ce livre, et si je contreviens ici à mon principe de ne jamais noter une œuvre sans la connaître au préalable, c'est que je me suis infligé l'interview de Renaud Camus à propos de son objet sur Sud Radio, ou ailleurs. Infligé car ce monsieur a déjà une voix que je ne trouve pas du tout agréable à écouter, ce qui est subjectif, mais surtout à cause de son rictus suffisant dans la voix des plus insupportables. Passons donc, là n'est pas le sujet, et s'attaquer à la personne n'est pas intelligent. Voyons ses idées alors.


Ce qui frappe d'entrée à l'écoute de ce monsieur défendant son objet que d'aucuns qualifient de livre, et que je nomme objet car il manque cruellement de sérieux pour être vendu comme un livre, c'est le ton péremptoire ; "ce n'est pas une théorie, mais le plus grand phénomène d'une époque", ou plus solennel encore: "un génocide par substitution (il reprend les termes d'Aimé Césaire, qui aurait apprécié pour sûr), ou enfin "crime contre l'humanité". Le sens des proportions ne semble pas vraiment préoccuper monsieur Camus. Alors qu'un argument, pourtant simple, suffit à le contredire sur ce postulat très hasardeux, c'est le taux des naissances en France. En effet, en 2021, 75,1% des enfants sont nés de deux parents français, 14,3% sont nés d'un parent français et un parent étranger, et donc 10,6% sont nés de deux parents étrangers, ce qui me semble un peu léger pour parler d'un Grand Remplacement à l’œuvre, j'imagine que vous en conviendrez. Je cite le résumé de l'objet pour bien se rendre compte de l'énormité: « Oh, c'est très simple : vous avez un peuple et presque d'un seul coup, en une génération (mouarf, ndlr), vous avez à sa place un ou plusieurs autres peuples. C'est la mise en application dans la réalité de ce qui chez Brecht paraissait une boutade, changer de peuple. Le Grand Remplacement, le changement de peuple, que rend seule possible la Grande Déculturation, est le phénomène le plus considérable de l'histoire de France depuis des siècles, et probablement depuis toujours. » Avançons encore que toutes les études montrent que les taux de fécondité des immigrés en Europe s’adaptent en l’espace d’une génération et ressemble à celui des autochtones (à défaut de terme plus idoine), et que le taux de fécondité en Afrique, bien que toujours élevé, baisse continuellement depuis plus de 30 ans.


Bien. Maintenant que ce postulat fumeux ne tient plus, attardons-nous sur cette histoire de Déculturation. Ici, Renaud Camus se défend en parlant d'un baccalauréat trop facilement accessible, et c'est à peu près tout ce qui fait son argumentaire, le reste n'étant que banales généralités quant à un appauvrissement culturel massif, un abrutissement de masse (vous êtes tous des abrutis), et autres clichés du genre. Alors que l'accessibilité à la culture n'a jamais été aussi aisée, et sa diversité aussi établie, déjà. Mais où je trouve ce monsieur d'une malhonnêteté sans borne, c'est qu'il passe sous silence des choses sur le sujet que je trouve autrement plus graves: Bernard Arnault et sa mainmise sur la culture dans les musées, et ailleurs ; n'a-t-il pas infiniment plus tué l'Art, donc la culture, que toute l'immigration confondue dans son apport si varié d'inspirations différentes ? Pour approfondir le sujet et comprendre vraiment de quoi je veux parler, je vous renvoie à l'ouvrage d'Annie Le Brun, Ce qui n'a pas de prix.

Simo Lagnawi, Marocain Gnaoua établit à Londres, assèche-t-il la culture britannique ou l'enrichit-il avec ses disques de gnaoua qui mêlent plusieurs influences par l'apport de musiciens d'horizons différentes ? Question rhétorique.


Conclusion:

La Déculturation est également un argument irrecevable. Sous couvert de grandes phrases pompeuses et de bonnes intentions, Renaud Camus se fourvoie et mélange tout en prenant l'immigration pour cible quand ce n'est que le fait de l'argent, de la mondialisation, voire du néolibéralisme.

L'auteur prétexte aussi une uniformisation de l'Homme par la valeur de gauche qu'est l'égalité, dit que le transhumanisme contribue au fait du Grand Remplacement, etc, généralités toujours, sans intérêt car n'ayant aucun rapport avec l'immigration. À l'écouter on croirait que tous les humains sont déjà des êtres bioniques ou augmentés... Il oublie ici encore de préciser que le dopage c'est du transhumanisme, ce qui ne semble pas le déranger. Bon, il précise malgré tout qu'une transplantation de cœur n'est pas mauvaise chose, l'espoir demeure permis quant à son sens des proportions.


Cela étant, si Renaud Camus est loin d'être un grand écrivain - contrairement à ce que les auditeurs de Sud Radio soutiennent, étant trop grossier (dans les deux sens du terme, il prend les gens pour des cons et manque sérieusement de rigueur), il n'a pas tout à fait tort sur certains points. Par exemple la souveraineté qui s'étiole en Europe, etc. Il se trompe toutefois sur les solutions, citant comme beaucoup de Français l'exemple suisse des votations populaires, qui, croyez-m'en, sont loin d'être toujours souveraines (conflits d'intérêts au parlement, lobbyisme, etc), vaste sujet. Il ferait donc mieux de s'intéresser aux ouvrages anarchistes qui traitent avec autrement plus de sérieux de ces problèmes fondamentaux.

Je garderai donc la note minimale pour cet objet (lui faisant encore trop grand honneur) qui ne contentera que les embrigadés, et que les philomates passent leur chemin.

Nielad-Divinorum
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Créée

le 1 août 2023

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