Je hais les 4° de couverture. Celui-ci concentre à peu près tout ce que le livre contient de fantaisiste, donnant l'impression que ce sera un festival de situations absurdes monthypythonesques; il compare Tom Holt à Pratchett. Dans l'un et l'autre cas, c'est stupide et je vais essayer de n'en pas tenir compte, ce qui est vraiment difficile pour la comparaison.
L'histoire joue sur deux principes que j'aime beaucoup: la réécriture d'un mythe et l'histoire secrète.
Le mythe du Hollandais Volant est réécrit dans une version alchimico-alcoolique: le capitaine et son équipage ont bu un élixir de longue vie par erreur, mais qui les fait puer au point de devoir éviter tout contact avec autrui. Tous les sept ans, l'odeur s'estompe, leur laissant la possibilité d'accoster. Éliminer l'aspect négatif de la malédiction ne sera donc qu'une affaire d'alchimie, devenue la physique nucléaire depuis que tout le monde a lu le Matin des Magiciens.
L'histoire secrète est en deux parties. D'abord, Vanderdecker et sa pestilence se sont parfois retrouvés à perturber des batailles navales importantes (Invincible Armada, débarquements, etc.). C'est mineur. D'autre part, l'alchimiste à l'origine de l'élixir, lui aussi immortel, a cherché pendant presque cinq cents ans une solution aux effets secondaires et, du coup, est à l'origine de toutes les découvertes scientifiques, musicales (parce que le premier ordinateur était un clavecin) et économiques. Les deux individus sont les fondements du monde libre tel qu'on le connait (le livre date de 91 et est très daté). C'est l'aspect que j'ai préféré, culminant dans un dialogue où l'on se demande si le système financier devient diabolique s'il n'est plus le produit de démocraties, mais de l'obsession d'un seul homme.
L'histoire me paraît le contraire d'un récit fantaisiste; elle se rapproche de la démarche traditionnelle de la science fiction: à partir d'un fait (en occurrence un mythe) pris au sérieux, quelles sont les conséquences (l'histoire secrète). De la même façon, le récit lui-même avance grâce à quelques personnages supplémentaires (c'est là le seul aspect pratchettien -zut je l'ai quand même fait- on suit plusieurs personnages en parallèle) qui ont un comportement logique vu la situation. Le seul aspect illogique est l'amour (évidemment! Qui n'est pas d'accord? L'amour est illogique!) que l'héroïne porte au héros, et qu'on voit venir gros comme une maison dans un jeu de quilles.
Les quelques situations spectaculaires sont donc entourées de dialogues très explicatifs (mais humoristiques) montrant bien la cohérence de l'histoire secrète et du comportement des personnages. Toutefois, il est souligné à de nombreuses reprises que le Destin veille, qu'il y a trop de coïncidences, etc. mais... -et c'est là que je désapprouve complètement, totalement, je dis non- c'est assez couille molle. Car quel est le résultat de tout ça? On agite une crise financière et un Tchernobyl écossais, voire une fin de comédie romantique, tout ça pour quoi? Pour parvenir à un happy end mou: tout reste pareil, mais en mieux. Chacun a ce qu'il désire, mais pas trop. Le Hollandais Volant continuera d'errer en mer, mais moins. L'héroïne a cessé d'être comptable, mais doit s'occuper d'une banque. Le matelot suicidaire a fini par renoncer, tout en restant désagréable, etc. Tant qu'à se vanter de tout maîtriser (en faisant se croiser sans cesse les personnages, pile au bon moment, etc.), autant faire véritablement le deus ex machina! Je crois même qu'il n'y a pas un seul mort.
Néanmoins (j'utiliserai nonobstant la prochaine fois), le style humoristique fait de comparaisons stupides et de références aux cultures de tous niveaux rend la lecture agréable.C'est un bon livre auquel il aurait fallu plus d'audace.
Surestimé
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le 23 nov. 2010

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