Etrange ? Vous avez dit "étrange" ? Comme c'est étrange.
Ce n'est pas exactement dans cette édition que je l'ai lu. Mais bon, le texte est le même. Cela dit, dans l'édition que j'ai utilisée (Les Classiques Hachette - Le Horla et autres contes fantastiques), on peut trouver la version de 1886. La mise en perspective des deux versions montre à quel point le travail de l'écrivain est celui d'une réécriture permanente. On passe, d'une version à l'autre, du récit "simple" à la mise en forme d'un journal intime. Ca rajoute en intensité, clairement, et les fins sont d'ailleurs un peu différentes. La version de 1887 est plus dramatique.
Un classique du fantastique. Le fantastique, qu'est-ce que c'est ? Entre le merveilleux, la science-fiction, le fantastique, c'est l'expression du doute face au surnaturel. L'origine du doute change en fonction de l'auteur. Chez Maupassant, c'est très psychologique. La folie du personnage soi-disant confronté au fantastique est à l'origine du doute.
Quand on finit la lecture de cette nouvelle, le doute plane encore. Oui, c'est de la fiction. Cet homme est fou, c'est évident ; c'est amusant. Clairement. Pourtant, il y a des éléments troublants. Mais alors, qu'en penser ? A la frontière qui sépare la folie de la raison, la confusion est facile : et si c'était le fou qui était clairvoyant, et le raisonnable qui était atteint de cécité ? Au royaume des aveugles, les borgnes sont rois. De leur oeil unique, peut-être qu'ils voient le Horla.
Je conclus avec une dernière remarque.
"Depuis des siècles, on le pressent,
on le redoute et on l'annonce !
La peur de l'Invisible
a toujours hanté nos pères.
Il est venu."
Le Horla (première version).
On peut relire Maupassant et il parle toujours à notre imaginaire. C'est mon sentiment. Je m'explique :
Ce passage ci-dessus, son ton affolé et prophétique (à la Cassandre - on l'avait prise pour une folle), me rappelle un jeu vidéo auquel j'ai pu jouer il y a de nombreuses années, Eternal Darkness : Sanity Requiem (le titre est déjà tout un programme), à l'intrigue très psychologique, qui voit le surnaturel passer à l'abordage du réel et de la raison humaine. Le courage d'un héros qui n'est pas un demi-dieu grec mais un humain est une chose fragile, dramatique. Le réel, c'est ce qu'on voit, ressent, comprend. Mais quid de ce qu'on ne voit pas ? De ce qu'on ne comprend pas, mais qu'on peut néanmoins parfois ressentir ? Et là, la question commune au fantastique d'hier et d'aujourd'hui (sauf que nous, on a Sigmund F. !), que cultive déjà Maupassant, en germe : D'où vient cette peur "irrationnelle" (?) qui nous pousse à avoir peur du noir ?
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.