J'ai beaucoup entendu parler de cet ouvrage. Qualifié d'impressionnant, de fascinant voire fantastique...mais qu'en est-il ?


Le livre est en soi assez court. L'introduction du traducteur (éditions Arcane) fait plusieurs dizaines de pages - jamais vu une intro aussi balaise!).


Il met en scène le patriarche Enoch - issu d'une très longue lignée citée dans la Bible. Le personnage est réveillé par deux anges, avec une allure impressionnante et effrayante, et emmené directement aux cieux.


Ces envoyés lui font visiter les différents niveaux de la dimension céleste: des lieux de création des éléments sur Terre et de fonctionnement du monde, des prisons où les traîtres attendent le jugement de Dieu, des endroits merveilleux où poussent des fruits odorants - dont parmi eux l'Arbre de vie - et des anges qui chantent.


Certains sont abominables, avec des sources de lave, des anges qui torturent sans cesse des gens ayant gravement pêché.


Notre protagoniste semble très sensible à ce qu'il voit, à la situation des personnes qu'il rencontre et est très curieux.


Le paradis n'est donc pas qu'un lieu merveilleux, rempli de délices et de félicité. Il comporte à la fois du très bon et du très mauvais - incluant dont l'enfer. Le jugement de Dieu paraît implacable et définitif.


Enoch rencontre donc un tas de créatures très différentes, fait une fixation sur le cycle du soleil et de la lune - explications alambiquées et ma foi inutiles car le lecteur de base s'en fiche.


Ses deux interlocuteurs principaux lui expliquent que certaines créatures déchues (et humains) ont, en compagnie du diable, rompu leurs obligations envers Dieu. Elles auraient procrée avec des femmes et engendré des monstres puissants qui ont semé l'anarchie et la violence sur la planète. Celles-ci seront sévèrement punies lors du Jugement dernier (je suppose vu la formulation).


La structure céleste, réglant la vie sur Terre, est surveillée et supervisée par sept archanges - qui consignent, tel des scribes, les actions et la vie des Hommes pour le Tout puissant.


Le 7ème ciel serait un monde de lumière et de joie, peuplé de créatures puissantes et de commandement, comme des archanges et chérubins organisés en troupes proches du Créateur - qui se trouve au 10ème niveau (level 10 comme diraient les gamers).


Apparemment, celui-ci serait entouré d'anges en extase devant lui et qui chantent tout le temps ses louanges - mais comment les supporte-t-il ?!! -.


Gabriel en personne vient l'accueillir et le lui présente (rien que ça ? Il devrait gagner au loto!).


Le personnage commence à décrire son visage, d'une couleur rouge feu, merveilleux et terrifiant, mais affirme également qu'il ne peut être décrit par des mots et qu'il n'est rien pour oser en faire une description.


Enoch se voit enduire d'huile et habiller par Michel - à ce niveau-là, pour rencontrer en même temps les êtres les plus puissants de la réalité, on a largement dépassé le stade de la chance. Cette substance le fait briller de mille feux (non, ce n'est pas de l'auto-bronzant !).


Après lui avoir expliqué le fonctionnement du monde (je n'ai pas de meilleure expression), on lui demande d'écrire le destin des êtres humains. En soixante jours, il écrit 366 livres ! Ca c'est du rendement...Ces destinées étaient déjà décidées avant la création du monde - donc pas de libre arbitre.


Dieu lui fait part d'un grand secret. Il aurait créé la réalité, supérieure et inférieure, à partir de deux...choses. Mais quelle est leur nature, d'où proviennent-elles? Est-ce que le Créateur les a conçues ou est-ce l'inverse ? Aurait-il pu le faire sans ?


Suite à cela, on raconte à Enoch la création du monde - ressemblant beaucoup aux descriptions dans la Genèse.


Celle-ci mêle la compréhension du monde physique et spirituel de cette époque - en expliquant notamment l'origine des éléments et de la vie, l'Ordre céleste (Dieu, les anges, le diable, le paradis). On y note des influences étrangères (grecques) et son aboutissement justifie la place de l'Homme sur Terre, le fait qu'il se distingue de l'animal et qu'il lui soit supérieur. Mais aussi sa continuité avec les écrits bibliques qui mène à Adam.


Le fait de lui créer une partenaire inclut, via une phrase obscure, de le différencier (homme/femme), qu'il peut avoir une descendance - qui elle implique l'idée de mortalité (merci pour l'explication Chatgpt !).


Dieu dit à Enoch que Satan est différent de par sa pensée mais n'a pas changé de nature (c'est toujours un ange). Dans une phrase implicite, il explique que le diable était jaloux de Adam, tout le temps aux cieux et destiné à régner sur Terre et c'est ce qui explique son action au Jardin d'Eden - et peut-être aussi l'origine du péché. L'Eternel précise qu'il juge les actions et leurs conséquences, pas les humains en soi.


Il dit ne pas avoir été créé, être immortel et affirme son pouvoir sur l'ensemble de la création matérielle et spirituelle. Son œuvre n'a pas d'héritier désigné ni d'intermédiaire.


=====


C'est donc une différence notable avec la Bible classique. L'Homme est censé être l'héritier de l'œuvre divine, la création "la plus aboutie".


Mais aussi une contradiction à plusieurs niveaux.


A quoi sert d'avoir créé tout cela si ce n'est pas pour le léguer à quelqu'un ? Pourquoi Dieu dit léguer la Terre, avec toutes ces créations, à Adam si celle-ci n'a pas de but précis ? A quoi servent les anges et leurs actions si ce n'est justement de guider les Hommes et être des intermédiaires ? Comment peut-il y avoir un libre arbitre dans une réalité réglée comme une horloge et où la vie de tous est déjà écrite ?


J'ai l'impression qu'il y a, comme pour l'Apocalypse, plusieurs auteurs pour ce texte. Ou que l'auteur originel ne s'est pas relu (moins probable).


===


La convocation d'Enoch était une révélation de Dieu en personne destinée au reste de son "troupeau".


...à ceci près que (sauf si j'ai mal lu ces phrases alambiquées) son plan est plus complexe. En effet, les ancêtres d'Enoch se seraient détournés de lui, adoré d'autres divinités et couvert la planète de divers péchés abominables. Yaveh prévoit donc d'anéantir la plupart de l'Humanité (déluge) pour repartir sur des bases plus saines (pas sûr avec ce genre d'événement), avec des générations fidèles.


Après un délai d'un mois et avoir propagé la parole de Dieu, notre protagoniste sera définitivement élevé au ciel.


Pour supporter la puissance de son interlocuteur (son visage surtout), un ange lui "glace" (terme étrange) le visage et il en sera de même pour lui afin de s'adresser aux humains.


Enoch fait une longue (trop longue) description à sa famille de ce qu'il a vu ou accompli durant sa mission. Il évoque le jour où tout le monde sera jugé, avec une description qui ressemble beaucoup à la mythologie égyptienne (la balance/le jugement).


"Il n'y a en moi ni serment ni justice mais la vérité"


Mh ah bon ? Alors pourquoi ce serment envers les Hébreux, ces épreuves et exigences ? Pourquoi ces dimensions de prison et de torture ? Pourquoi ces injonctions et actions violentes comme le déluge si la vérité fait tout ? J'ai du mal à comprendre.


Chaque être humain aurait "une place pour place pour le repos de son âme" et un défi personnel dans sa vie terrestre. Cela implique encore la notion de destinée - et confirmé par la suite.


Mais alors pourquoi évoquer le péché et comment peut-il exister ?


"Nul ne secourt l'homme qui a péché"... autrement dit que tout est écrit ou c'est à lui de se sauver lui-même ? Dans tous les cas, il y a là une contradiction importante. Tout comme affirmer que le Seigneur "veut des coeurs purs" alors que tout est déjà déterminé.


====


A ce stade, il me paraît clair que ce texte a eu plusieurs auteurs avec des fois similaires mais qui possèdent des différences notables. Je penche pour un texte ancien qui a été modifié et complété plus tard pour convenir aux croyances de cette époque.


On a trop de contradictions au sein d'un même chapitre ou paragraphe, des phrases obscures et complexes pour dire des choses simples.


========


On nous explique qu'après le Jugement dernier les élus vivront éternellement au paradis, espace lumineux et protégé où ils seront immortels, dépourvus de maladie, ni faim, ni soif ou doute, ni temps. C'est vraiment la fin des temps - mais dans le sens positif du terme.


Cool, je prends un abonnement ! Bon à ceci près qu'il n'y a pas de travail...mais que font-ils alors ? Cocktails à volonté et bronzage toute la journée ?


Ici encore, c'est très différent de la Bible où le paradis n'est que temporaire et il y a une lutte permanente entre le bien et le mal.


S'en suit un éloge de la droiture pour accomplir la volonté divine et accéder à la récompense suprême.


La fin de l'ouvrage est étrange. Elle est construite comme un résumé de l'œuvre, avec une conclusion assez banale.


Conclusion :


Le livre des secrets d'Enoch n'est pas un ouvrage banal.


Il contient plusieurs styles d'écriture différents, a (certainement) plusieurs auteurs et souffre de contradictions assez... irréconciliables.


Celui-ci tente de tracer une continuité entre l'immense (et insupportable) liste des patriarches - dont on ne connaît pas la vie, à part leur nom - et la Bible.


Sa construction est étrange. En effet, le livre commence avec des phrases maladroites, comme un recueil de citations, et prend progressivement la forme d'un récit biblique - avec des tournures qu'on rencontre habituellement dans tous ces textes - pour terminer par un style de roman.


Il recèle quelques différences importantes avec l'œuvre principale, que ce soit au niveau des notions (paradis/enfer/jugement dernier) ou bien des faits (destin de l'Humanité, nature du divin et création, etc.).


Certaines révélations sont choquantes, d'autres descriptions sont pléthoriques et inutiles. Si bien qu'on ne comprend pas toujours le but des auteurs.


Je comprends pourquoi l'Eglise n'a pas retenu ce texte. Il sort trop des sentiers battus, a des côtes abusifs et remet en cause les croyances communes. Le récit offre une vision alternative et parfois très éloignée de la Bible, avec l'intrusion de concepts étrangers. Une sorte de lecture des évangiles sous amphéts ou champis.


Pour ma part, je trouve qu'il n'arrive pas à la cheville de l'Apocalypse de Saint Jean. Le style est laborieux, instable, plutôt médiocre et fait des révélations fracassantes comme un journal à sensations. Instructif mais sans plus.

nicaram
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nicaram

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