Tout m'a poussé à lire ce livre. D'abord les notes élevées et les critiques dithyrambiques de Sens Critique puis le résumé en quatrième de couverture qui contenait trop de bons mots en si peu de lignes : « Expérience spirituelle, récit initiatique, délire de psychopathe [...] interdit sous le régime nazi, roman culte des années 1960 et 1970.» Un récit entouré de mystère qui promettait de m'apprendre beaucoup de chose sur la vie et sur bien des thèmes étranges.

Déjà, dès le départ le récit m'a rebuté. Les 60 premières pages d'introduction sont lentes et lourdes, puis le Traité des Loup des Steppes l'est encore plus. Environ 100 premières pages qui nous expliquent une métaphore qu'on avait déjà comprise. "Pourquoi Harry Haller s'autoproclame Loup des Steppes ? Parce qu'en fait vous savez il n'est pas un loup au sens littéral, c'est juste qu'il est misanthrope et renfermé sur lui-même, il n'aime pas la société, il est cet intellectuel qui comprend mieux les choses que la plupart des gens et il aime l'art. Oh oui il aime l'art ! Et vous cher lecteur ? Vous aussi vous aimez lire et écouter de la musique, n'est-ce pas ?"
En somme tout un discours qui caresse le lecteur dans le sens du poil, c'est un peu ce dont j'ai eu l'impression. Que Herman Hesse essayait de brosser le portrait de l'intellectuel insatisfait, dégoûte de la vie, de la mode et des imbéciles, un peu comme le lecteur qui peut tout logiquement se dire : « Donc moi aussi quelque part je suis un Loup des Steppes ». Mon problème c'est que je n'ai pas aimé une seule fois Harry Haller. Je l'ai trouvé prétentieux, râleur et faussement intellectuel. Son discours teinté d'aigreur envers le monde entier avait un côté trop hautain, du genre « Je suis malheureux car je suis trop intelligent » et il était trop facile. D'ailleurs tous les thèmes sont abordés sous cet angle d'intellectuel. Il passe son temps à parler d'art, de mode, de philosophie, de la place de l'homme dans la vie, des évolutions de la société mais c'est à chaque fois un discours sur lui qu'il fait et un discours venimeux, grincheux, rapide, jamais un discours intellectuel.Le livre nous invite donc à suivre les méditations d'un connard aigri, soit. Et après ?

Après le récit s'enfonce dans un délire à la fois métaphorique et initiatique qui cette fois invite le lecteur à fabriquer son propre sens à la lecture du livre. En gros la dernière partie qui se déroule dans le théâtre magique de Pablo peut être vu de deux façons. Soit comme un délire de drogué plongé dans son inconscient qui trouve des explications lucides à toutes les questions qu'il se pose dans son fort-intérieur et alors ce sera au lecteur de trouver un sens à tout ça. Soit comme un gros bordel qui, une fois de plus, se la joue ultra-métaphorique, plein de sens cachés, plein de choses étranges sans ni queue ni tête qui forment une mélasse d'éléments incompréhensibles. J'ai automatiquement opté pour la deuxième. J'étais déjà mal parti de toute façon, j'en avais déjà marre du livre, je m'attendais à un changement de ton, j'ai eu un cafouillage monstre ne livrant aucune réponse, du genre : «Démerdez-vous avec ça !»

Et puis un détail me chiffonne encore. Le livre commence par la voix d'un narrateur qui nous parle de Harry Haller, c'est «la Préface de l'Editeur» qui bien-sûr est fausse. Cet « éditeur »cherche à susciter notre intérêt quant à Harry puis ensuite nous laisse lire son carnet. Et alors on l'oublie totalement, « l'éditeur ». On l'oubliera à jamais. À quoi servait-il, si ce n'est à rallonger l'attente du lecteur avant le début du véritable récit ? À rien. Il ne servait à rien. Oublié. Crée seulement dans un seul intérêt : faire une introduction cool et mystérieuse

Au final, je me dois de dire que même si beaucoup de gens adorent ce livre il ne fera pas forcément l'unanimité. On peut y voir un récit initiatique, un délire de psychopathe, un oeuvre puissante de mystère. Et on peut aussi y voir un livre qui brasse des idées pour brasser, qui parle et qui parle inlassablement du même sujet, qui fait de la métaphore à n'en plus finir, jusqu'à sa limite, jusqu'à qu'elle ne veuille plus rien dire, quitte à délaisser le lecteur totalement exaspéré. Un faux discours intellectuel ayant pour but de satisfaire les gens qui se pensent au dessus de la masse.

Je ne retiendrai que quelques mots alors, les seuls avec lesquels j'ai été d'accord et ils viennent d'Hermine, p 151-152 : « Vous autres, érudits et artistes, vous avez l'esprit occupé par toutes sortes d'idées sortant de l'ordinaire, mais vous êtes des hommes comme les autres.»

Merci Hermine.
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le 20 juil. 2014

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