Icare philosophant sur son aventure

J'ai beaucoup aimé cet essai au style flamboyant mais précis, ambitieux mais mordant, qu'il est finalement assez rare de voir en action sur un tel sujet et sur des faits réels. L'auteure procure un réel plaisir (pour ne pas dire jouissance) au lecteur dans sa description de la décrépitude avancée de l'élite germanopratienne vieillissante, qui continue pourtant de faire des ravages dans la presse française. Ses portraits de Jean Daniel, BHL ou Finkielkraut ressemblent à ce qu'on peut écrire de plus méchant (et juste, sans doute en partie) sur ces gloires déliquescentes.

Si le style s'applique plus à une critique des personnes qu'à la critique d'un système qu'elle engage à la fin du livre, j'en suis tout de même ressorti avec le mauvais goût de notre presse et le profond désir de soutenir des journaux qui placeraient leur indépendance, leur style et leurs idées comme ligne éditoriale. Je ne crois pas que de tels journaux existent en France alors que le New Yorker aux Etats-Unis et le New Statesman en Angleterre semblent s'en approcher. Je vais continuer à soutenir Les Jours en guettant l'émergence, peut-être, de cette presse d'opinion et de qualité, à laquelle Lancelin pourrait bien contribuer.

Enfin, il serait injuste de ne pas souligner, aussi, que ce bouquin montre que Lancelin a une très haute idée d'elle-même, laissant un soupçon d'ambivalence dans la posture de licorne immaculée qu'elle adopte volontiers. Pour autant, sa curiosité pour des pensées "décalées" dans les références actuelles (Baudrillard, les Evangiles, Todd d'une certaine manière) me la rende plutôt sympathique. Espérons qu'elle sache transformer ces qualités au service de l'intérêt général.