Le style de Lovecraft n'est pas des plus légers, il est vrai, mais il n'attend pas les monuments de lourdeur d'un Tolkien. Il y a des envolées vraiment classes qu'on ne peut que respecter, même si ce n'est pas là que repose l'intérêt du livre, ou même du style.

Ce qui est vraiment réussi par Lovecraft ici, c'est le portrait allusif et sombre brossé par le style, lui aussi allusif. On en sait jamais trop, rien n'est jamais sûr. On avance à tâtons, au même rythme que les personnages.
Le fait que le narrateur et le récit soient intra-diégétiques ne doit pas y être étranger, puisque toute la narration repose du fait sur ce qu'a lu ou entendu le narrateur-protagoniste. On en même réduit à un compte-rendu de compte rendu de rêve, de conversation, et même quand on est face à un compte-rendu de témoignage - plus haut degré de crédibilité qu'on puisse espérer -, ce dernier est souillé par la folie du témoin. De l'interprétation d'interprétation, de la soupe de subjectivité, de la vue subjective de vue subjective : une sorte de téléphone arabe horrifique qu'on ne fait que poursuivre en lisant le bouquin et en en parlant ensuite. Bref, une incertitude subtilement tissée qui augmente l'angoisse qu'on ressent à la lecture du bouquin.

On se retrouve donc vraiment immergé dans une suite d'évènements que l'absence de description claire rend aussi horrifique que le prétendent les personnages.
Le tout est augmenté par le contexte réaliste du récit, et on nous laisse avec de vagues pensées désagréables ; on en vient presque à se dire qu'un jour, peut-être, " if the stars are right again", un putain d'humanoïde à tête de poulpe plus vieux que l'humanité et adulé par des cassos chelous sortira d'une aberration architecturale enfouie sous les eaux. Et faire croire ça, ne serait-ce qu'un instant, c'est avoir un putain de talent.

Reste à voir si l'avènement de Chtulhu pourrait rivaliser en horreur avec un dîner à Buffalo Grill avec Patrice Carmouze et Christophe Dechavanne. Franchement, j'hésite.

Stavroguiness
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le 10 janv. 2011

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