Mangez des huîtres, c'est bon pour la santé

J'aurais pu faire un jeu de mots pourri avec éponge pour le titre, mais je me suis dit que je rendrai mieux service à l'humanité en offrant un très sage conseil alimentaire et en faisant en même temps de la pub pour les ostréiculteurs (c'est bon pour l'économie et tout).

Bref, en fait c'est pas vraiment la question. Pour moi, Ponge et son Parti pris des choses, c'est d'abord un coup de foudre esthétique. L'ami Francis, il me passionne parce qu'il a su redorer le blason d'objets courants -voire disgracieux au possible, comme l'huître- qui passent d'une effrayante banalité à une poésie enchanteresse. Il joue avec les objets et leur offre une toute nouvelle vie, loin des sentiers battus.

Visuellement, quand on ouvre le livre, on a l'impression d'être face à de petits articles encyclopédiques, en partie à cause des titres épurés des poèmes. Mais dès qu'on se penche sur le texte, il en va tout de suite autrement.
On a l'exemple relativement connu du cageot qui devient entre les mains du poète un objet d'une nouvelle dimension, affranchi de son image habituelle et de toutes les idées préconçues qui s'y appliquent. Le cageot, devenant pour l'auteur un savant mélange entre la cage et le cachot, est évoqué avec poésie quand "il luit alors de l'éclat sans vanité du bois blanc" allié à un ton descriptif qui relève presque de l'explication scientifique. Quoi qu'on en dise, je trouve ça très fort.

À mon sens, c'est une sorte d'esthétique mêlant le banal et l'improbable, d'où se dégage une beauté poétique remarquable qui crée un nouveau niveau dans notre perception du monde et ouvre notre regard. C'est joli et audacieux. Avant Ponge, on avait avec Baudelaire le concept de beauté dans la laideur, mais au lieu de simplement reprendre celui-ci, Ponge décline une variante et l'attache à la banalité afin de surprendre son lecteur. C'est là qu'il fait mouche, car plus l'objet semble banal et ingrat, plus la tâche est ardue afin de le rendre éminemment poétique.

Je ne vais pas faire ici une description exhaustive des aspects poétiques du recueil, j'ai préféré me pencher sur ceux évoqués plus haut parce qu'il m'ont particulièrement passionnée, mais on pourrait également faire une digression sur la nouvelle image qu'il entreprend de donner aux objets classiques de la poésie tels que le papillon et la fleur, et j'en passe.

Ma critique tourne de plus en plus à l'éloge pur et simple, mais je voudrais aussi ajouter en revanche quelques mots sur l'utilisation de la prose, cet écart volontaire face aux formes consacrées de la poésie, qui nous montre bien l'effort du bonhomme pour se détacher des visions classiques parfois un peu trop poussiéreuses. En conclusion, le Parti pris des choses, c'est un bel art poétique, et c'est bien sympa.