Écrit en moyen français et publié en 1542, ce livre dédié à François Ier de Bourbon, Comte de Saint-Paul et Duc de Touteville, est composé en vers.


François Habert est né vers 1510 à Issoudun dans le Berry et décédé vers 1561. C’est un poète et traducteur. Il a étudié le droit à Paris puis Toulouse, mais il préféra s’adonner à la poésie plutôt qu’à la pratique du droit. Il fut secrétaire d’hommes d’Église et servit sous les Rois François Ier et Henri II où il obtint le titre de « poète du Roi ».


Il nous montre ce que le Philosophe parfait doit faire pour aller au Paradis, car c’est bien cela que l’on nous dit, le Philosophe parfait exalte toutes les vertus chrétiennes et devient par leurs forces le parfait chrétien.


Bien que ce livre soit écrit en pleine Renaissance, nous sommes alors sous le règne de François Ier, Habert possède bien plus de références scolastiques qu’humanistes. Le contexte historique est important, en 1542 le Pape Paul III convoque ce qui deviendra le concile de Trente. Ce concile, convoqué à la demande des réformistes Luther et Calvin aboutira à la doctrine catholique qui perdurera jusqu’au concile Vatican II (1965).


Ce concile sera d’ailleurs repoussé à 1545 en raison d’une guerre entre François Ier et l’empereur Charles Quint pour des possessions italiennes. Habert écrit dans le siècle de Machiavel et de Rabelais. Et pourtant, à la différence des deux écrivains précédents qui choquèrent leur entourage par la satire ou la déviance vis-à-vis de la norme catholique, Habert apparaît comme anachronique.


En effet, il est dans une filiation médiévale en faisant sans cesse référence à Aristote et à l’histoire antique, on devine qu’il a été un lecteur de l’histoire de Rome de Tite-Live. Il est bien dans la tradition scolastique en nous disant que les Anciens, comprendre Grecs et Latins, bien que non chrétiens avaient des qualités dont le Philosophe parfait doit s’inspirer. C’est d’ailleurs un des éléments qui sera reproché par les réformistes aux catholiques, le fait d’avoir tenté d’intégrer Aristote et les philosophes antiques dans la pensée chrétienne.


On pourrait s’interroger sur le fait que ce livre soit un « miroir aux princes » ou non, en effet certains passages nous font penser que bien que le Philosophe parfait doive mortifier la chair, subir des privations ascétiques pour se purifier, il n’en est pas moins proche du temporel et il pourrait même dicter des lois. Ce qui peut nous faire croire que le livre, qui rend hommage à ses mécènes en introduction, aurait pu être écrit pour le jeune François II, c’est assez difficile de savoir. Mais le fait que Habert appuie autant sur le modèle vertueux, les choses à faire pour être le Philosophe parfait nous font penser à cela.


Une des illustrations présente d’ailleurs un personnage dans la même position que Platon sur le tableau dit École d’Athènes de Raphaël situé au palais du Vatican. Cela illustre bien l’ancrage en son siècle de Habert, et la volonté de perpétuer les traditions.


De nombreuses illustrations viennent ajouter du symbole aux textes déjà légèrement hermétiques. Il faudra chercher la signification de la Pie, du Corbeau, de la Tourterelle ou de la Colombe pour bien comprendre ce que le poète souhaite nous dire. Nous avons lu le texte en langue originale et un dictionnaire en moyen français ne sera pas de trop.


Sur la langue utilisée, nous sommes vraiment à une époque charnière, des mots latinisés sont encore présents à l’image de « extoller » ou « Sapience » (qui n’a pas la même signification qu’aujourd’hui car incluant également les connaissances du divin). Il y aura également des termes qui vous rappelleront l’anglais contemporain tel que « recordation », car il n’y a que deux siècles que l’anglo-normand n’est plus utilisé en Albion, et nos deux langues étaient encore très proches. Le lecteur contemporain non habitué de la poésie et d’anciennes formes du français s’y perdra, il faut du temps pour appréhender la forme et le fonds surtout que le sens sera difficilement perceptible, car les phrases ne sont pas construites dans un sens logique pour nous.


Se plonger dans le Philosophe parfait c’est une redécouverte de l’esprit médiéval qui subsistait à l’époque dites des Grandes Découvertes alors que les « humanistes », bien que présentés comme redécouvreurs du savoir antique (foutaise), ne s’acharnaient à détruire ce que les théologiens médiévaux avaient construit. Si l’on doit retenir quelque chose, au-delà du message du livre et de la recherche perpétuelle du Philosophe parfait qui est parfait Chrétien, c’est le bouillonnement que devait être le milieu du XVIe : le culte catholique était remis en cause par les réformistes, les guerres d’Italie touchaient à leur fin et nous allions arriver aux guerres de Religion.


C’est aussi à cette époque que la scission entre le monde moderne et la société traditionnelle commence à se faire. L’homme allait se mettre au centre du monde et tout penser par son seul prisme, il allait devenir le centre de son attention, se construire et se créer par lui-même et pour lui-même.


Et c’est en quoi François Habert est particulier, il est encore en partie dans la tradition médiévale. Voilà pourquoi le Philosophe parfait, au-delà d’être éclairant sur l’imaginaire et le modèle de vertu au XVIe, pourra vous en apprendre beaucoup sur l’époque de son écriture et sur la période qui allait devenir notre monde contemporain. Vous évaluerez sans peine l’abîme qui nous sépare de ces personnes, pourtant proches chronologiquement.


https://aviscontraires.wordpress.com/2023/09/13/philosophe-parfait-habert/

Franc_cot
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le 10 oct. 2023

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