Incontournable Roman Mars 2024



Après m'être régalée du second tome de la BD "Reine Babette" du même auteur, qu'elle n'est pas ma surprise de trouver un roman hybride de ce même auteur à peine un mois plus tard! Joie et courbettes! Début d'une série, "Simone Boulamite" est l'heureuse rencontre de l'humour absurde et de l'univers inversé, dans lequel un jeune monstre découvre avec stupeur que son placard est habité par une adorable petite fille. de quoi le faire frémir!



Dans un monde où vivent des "monstres" à la physionomie singulière, affectionnant les mauvais comportements , les trucs visqueux et dégueux, Maurice est , je cite : " Complètement sous-doué. Nul dans tous ses travaux scolaires, il est tout vert avec un bedon jaune et des taches de moisissures un peu partout sur le corps. Et que dire de ses magnifiques yeux d'escargot? " Depuis quelques jours, il n'arrive pas à dormir et trouve toute sorte de prétextes pour ne pas le faire. En réalité, Maurice vit un truc inédit pour un jeune monstre: Il a peur. Peur de ce qui se trouve dans son garde-robe ( L'auteur mentionne qu'il devrait plutôt dire "placard", car Maurice n'a pas de robe. Voici d'ailleurs, un garde en robe.). Quelque chose gratte chaque nuit à l'intérieur dudit placard. Un soir, Maurice n'y tient plus et somme le monstre d'arrêter, mais se faisant, le "monstre" se permet d'entrer...et c'est bien pire que tout ce qu'il ait pu imaginer. Et pire que tout, elle est si "Gentille"!



Nous apprendrons entre deux péripéties ( et moult traits d'humour) que Simone, dont le nom est très justement présent sur la couverture, a inventé une porte pour voyager entre les mondes avec son petit frère. Cela-dit, ils ont perdu leur chien en cours de route et Simone le cherche dans le monde de Maurice. Elle est cependant rapidement mise devant le fait que sa présence cause une certaine commotion dans la maisonnée de Maurice. Les parents de Maurice vivent d'intenses émotions ( le père perd littéralement la tête, mais Maurice lui donne l'une des nombreuses pièces de remplacement, celle version Noël, la plus amusante) et il faut maintenant trouver Boby, le chien perdu.



Sorte d'univers inspiré de Monster.Inc de Pixar, nous avons en même temps la situation inverse à l'enfant hanté par le "monstre du placard", plaçant ici une petite humaine dans le rôle du "monstre". D'ailleurs, les "monstres" ne se qualifient pas eux-même de 'monstres", pour eux, ils sont "normaux". J'ai lu quelque part "que nous étions tous le monstre de quelqu'un" ( Je pense que c'était Kaz Brekker dans le roman ado Six of Crows) et dans ce roman, cette citation prend un sens littéral. Pour les habitants du monde de Maurice, c'est tout ce qui est "moche, sale et répugnant" qui est valorisé et les habitants eux-même ont des corps très peu harmonieux à nos yeux. Alors Simone, avec sa symétrie, ses cheveux roux et son indécente propreté, pensez- bien que ça leur fait peur!



C'est le style de narration qui détonne beaucoup, mais c'est vraiment amusant et surprenant. D'entrée de jeu, le narrateur, un personnage qui s'incruste ponctuellement dans l'histoire avec toute sorte de commentaires et constats plus ou moins pertinents, se veut le complice du/de la Lecteur/Lectrice. Il y va de mises en garde avant même le début de l'histoire: "Ce livre n'est pas conseillé à ceux et celles ou autre (Oh, cute!) qui ont peur des monstres et qui n'aiment pas rire tout seuls." ( Fiou! J'suis correcte!) suivi de "Je vous le dis tout de suite, l'histoire est basée sur un fait vécu. Seuls les passages entre la première page et la dernière sont inventés." Ça se lit avec autant d'enthousiasme qu'une beau gros nuage de barbe-à-papa trois couleurs.



Comme le mentionnais plus haut, ce livre est une sorte d'hybride, à la fois inspiré de l'univers de la BD, mais dans la forme d'un roman. Parfois, il y a des bulles. Il y a présence de chapitres. Certaines pages n'ont aucun texte et il y a présence de textes entre les bulles. C'est un joyeux bric-à-brac graphique dans une palette de gris et de oranges, qui n'est pas sans rappeler ces hybrides graphiques qu'affectionne les auteurs britanniques tels que Chris Riddle, Laura Ellen Anderson ou encore Hannah Peck. Ah, et la 4e de couverture doit être lue avec un miroir.



Niveau graphisme, c'est éclaté et dynamique comme le sont les comics, les idées sont loufoques et il y a pleins de petits détails parsemés un peu partout. Une seule petite critique pour ma part: L'apparence de la maman. Nous sommes dans un monde de monstres et en ce sens, Maurice et son père, avec leur physique bizarre et perturbant, sont dans le ton. Mais la mère est assez typiquement humaine et même un peu clichée. Elle est assez symétrique, elle a de seins très apparents sous une robe à manche longue, une coiffure coquette, une jolie bouche avec des lèvres pulpeuses et rouges,ainsi qu'un corps dépourvu de fantaisie. Seul son oeil droit est moins haut sur sa tête que le gauche, c'est bien la seule chose que lui trouve d'étonnant. J'ignore si c'est cette espèce d'impératif de beauté imposé aux personnages féminin plus ou moins conscient qui fait ça, mais ce n'est pas nouveau dans mes observations des graphismes jeunesse. Je constate qu'on se permet beaucoup plus de liberté et d'audace sur les corps et l'apparence des personnages masculins, qui peuvent être laids, drôles, malformés, atypiques, mais de manière récurrence, les filles et les femmes sont globalement "jolies" et très normatives, conformes aux canons esthétiques dominants. C'est dommage, car l'univers en présence aurait pu faire éclater ces stéréotypes féminins, qui illustrent qu'encore de nos jours, on attend des filles d'être "belles", même monstrueuses. Même dans son comportement, la mère a tout de la "bonne maman", affectueuse, conciliante, douce et sensible. Même son comportement et son profil psychologique sont attendus, au contraire du père, qui est encore une fois très détonnant et il est à peine vêtu ( sympa le "noeud de papillon").



L'un des thèmes présents, hormis l'humour et le monde inversé, c'est le rapport à la différence. Simone n'aime pas particulièrement l'accueil qui lui est fait, encore moins de se faire traiter de monstre. "Sachez, Monsieur papa, que les monstres n'existent pas. Ce n'est pas parce qu'on est différents physiquement qu'on est des monstres." Voilà.



Sinon, je note que si on axe les comportements "inversés" surtout au début, ils tendent à s'inverser vers la fin et se conformer plus à nos normes. Par exemple, on dit au début que "jeter son enfant dans son lit" est un signe d'affection, mais on voit la maman consoler normalement Simone à la fin et ce n'était pas avec de mauvaises intentions. Autre exemple, on semble dire que l'impolitesse est de mise dans le monde de Maurice, mais on voit à la fin la maman demandé au papa de "surveiller ses manières". Techniquement, si on suit la logique du monde inversé, il aurait été parfaitement poli en étant bourru. C'est ça le hic avec les mondes inversés, il faut que la cohérence tienne et c'est assez rare qu'elle est tenue. Mais bon, je suis bonne joueuse, on est dans un registre absurde, c'est déjà très illogique, mais je voulais le souligner quand même.



Mention spéciale aux "araignées à patate sans pattes" qui ont huit pattes et des têtes d'humains avec de gros nez, elles sont si mignonnes.



Je pense que c'est le genre de livre un peu passe-partout qui permet d'aller chercher pleins de types de lecteurs. Les lecteurs du 2e cycle primaire sont généralement des amateurs et amatrices d'humour et de romans hybrides. Un bon ajout à une biblio-classe, je pense. En outre, je pense que nous avons une option intéressante pour les lecteurs et les lectrices avec des défis en lecture, avec un format atypique qui ressemble moins à un roman standard, mais offrant tout-de-même beaucoup de mots.



Bref, un bel ajout à la littérature intermédiaire du 2e cycle primaire, 8-9 ans+

Shaynning

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